ACEP Sénégal : comment la microfinance renforce les petits acteurs de l’agroalimentaire

Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), près de 30 % de la population sénégalaise vit aujourd’hui en situation d'insécurité alimentaire modérée ou grave. Pour autant, l’agriculture représente un levier économique majeur pour le Sénégal : le secteur contribue à plus de 17 % du PIB et emploie 22 % de la population active. Soutenir les acteurs de la filière agroalimentaire, des petits producteurs aux industriels, est une priorité pour renforcer le tissu économique et relever le défi de la souveraineté alimentaire.

Ce soutien à la filière agroalimentaire est au cœur de la mission d’ACEP Sénégal, une institution née à Kaolack, capitale du bassin arachidier du pays, avec la volonté de soutenir les petits entrepreneurs ruraux. Créée en 1986 sous la forme de projet de lutte contre l'insécurité alimentaire, ACEP Sénégal est devenue en 1994 une caisse mutuelle d’épargne et de crédit, fédérant aujourd’hui un réseau de 11 mutuelles affiliées.

Les petits producteurs, maillon essentiel de la chaîne agroalimentaire

ACEP Sénégal joue un rôle clé dans la promotion des activités entrepreneuriales et le développement des petites structures agricoles. Par son action, l’institution de microfinance favorise l’inclusion économique des populations traditionnellement exclues des circuits financiers. Souleymane Sarr, son directeur général, explique : « Nos clients sont des artisans, des femmes entrepreneures, des petits producteurs agricoles qui, en raison de leur fragilité financière, subissent encore plus fortement les différentes crises économiques, climatiques ou politiques ».

Si l’institution cible en priorité les petits producteurs, piliers de l’économie locale, elle déploie également une approche sur l’ensemble de la chaîne de valeur agroalimentaire. « Dans notre portefeuille agriculture se côtoient tous les acteurs : petits producteurs, groupements de producteurs, organisations villageoises et industriels de la transformation agricole », précise Mamadou Dialigue Dieng, directeur de la trésorerie d’ACEP Sénégal. En s’adressant ainsi à l’ensemble du secteur, de la production à la commercialisation, l’institution renforce durablement les filières agricoles locales.

Témoignage de Sokhna Mada Ndong, maraîchère

Elle cultive, en plus de ce terrain, un autre champ de six hectares. « La meilleure aide qu’un travailleur puisse demander, c’est un apport d’argent lorsqu’il en a besoin », explique-t-elle. Les aléas climatiques ont transformé le secteur agricole sénégalais ces dernières années : « Nous devons désormais doubler nos cultures par rapport à ce qu’on faisait avant pour compenser les pertes », précise-t-elle en montrant une récolte de navets brulés, devenus invendables. La valeur ajoutée de l’institution repose sur des modalités de prêts adaptées aux contraintes des agriculteurs. Sokhna Mada Ndong confirme : « Sans ACEP Sénégal, j’aurais pu continuer à travailler, mais je n’aurais pas eu un tel résultat. Leur approche, avec des remboursements flexibles, est d’une grande aide dans ce travail précieux qu’est l’agriculture où l’on ne récolte que ce que l’on sème ! ».

Avec 90 agences réparties sur tout le territoire, ACEP Sénégal est au plus près des populations rurales. Cette présence dans les zones les plus reculées du pays est renforcée par une forte mobilité opérationnelle, comme l’atteste Souleymane Sarr : « 150 gestionnaires de portefeuille, équipés de moyens de transport adaptés, comme des motos tout terrain, prospectent et structurent des demandes de crédits, y compris dans les zones où nous ne sommes pas physiquement implantés. » La proximité géographique favorise une meilleure compréhension des besoins et consolide le lien de confiance entre l’institution et un public peu familier des services financiers.

Cette démarche au service de l’inclusion financière est soutenue par le modèle mutualiste d’ACEP Sénégal qui associe ses 320 000 clients sociétaires aux prises de décision, favorisant l’intégration des acteurs locaux tout en préservant leur autonomie. 

L’institution de microfinance a également développé ses services en ligne pour faciliter l’accès aux produits financiers. « Nous avons mis en place l’application mobile SAMA ACEP, ainsi que des services innovants tels que le Bank to Wallet pour transférer de l'argent d'un compte bancaire vers un portefeuille mobile », précise Mamadou Dialigue Dieng. ACEP Sénégal a aussi développé un outil de crédit scoring qui permet d’évaluer la solvabilité des clients et d’affiner ses offres.

Témoignage d'Ibrahima Thiam, agriculteur

Soutenu par ACEP Sénégal depuis plus de 15 ans, il met en avant la qualité de la collaboration : « L’expérience que j’ai eue avec ACEP Sénégal, je ne l’ai jamais vécue avec une autre banque. C’est une banque qui respecte ses clients. » Accompagné du chef d'agence de Kaolack, Arouna Ka, à qui il présente ses dernières récoltes de maïs, l’agriculteur évoque le suivi individualisé que l’institution met en place pour ses clients : « Lorsque des difficultés surgissent, les équipes d’ACEP Sénégal se déplacent, prennent le temps de comprendre la situation et trouvent des solutions rapides avec des conditions avantageuses. » Ce soutien dans son activité professionnelle lui apporte aussi une stabilité dans son quotidien : « Mes dépenses familiales sont couvertes et je peux payer mes soins ainsi que ceux de mes proches en cas de besoin. »

Au Sénégal, bien que les femmes assurent la majorité des emplois dans le secteur agricole, elles se heurtent à des obstacles spécifiques, notamment un accès limité aux terres, aux financements et au matériel qui freine leur capacité à entreprendre (Le Monde, 2022). Le prêt octroyé par Proparco à ACEP Sénégal vise à promouvoir l’entrepreneuriat féminin dans le secteur agroalimentaire. Si 50 % des clients de l’institution sont des femmes, les crédits qui leur sont octroyés ne représentent que 30 % du volume des financements, un chiffre qui devrait s’élever à 45 % d’ici 2026 grâce à la collaboration avec Proparco. 

Pour faciliter l’accès à l’entrepreneuriat, l’institution de microfinance a structuré des produits dédiés aux femmes comme des crédits adaptés aux activités génératrices de revenus (AGR) nécessitant peu de financement, un accompagnement dans la constitution en groupements ou encore un dispositif de garantie allégé. « Nous proposons aux femmes de mettre en garantie n’importe quel type d’équipement, quel que soit sa qualité ou sa valeur », détaille le directeur général.

Témoignage de Fatou Diop, transformatrice de produits halieutiques

Elle a bénéficié d’un prêt pour développer son activité : « Ici, ACEP Sénégal aide vraiment les femmes », confie-t-elle. Depuis un vaste terrain marécageux où s’alignent hangars de stockage, fours et établis de séchage, Fatou Diop témoigne du soutien de l’institution de microfinance : « Avant, je ne produisais que 10 à 20 caisses de poissons fumés par jour. Aujourd’hui, j’obtiens jusqu’à 40 caisses. Je n’ai commencé à travailler avec ACEP Sénégal que cette année, mais je vois déjà les progrès ! ».

Le financement de Proparco permettra de stimuler la croissance de l’activité de prêts de l’institution de microfinance auprès des petits acteurs, producteurs et entrepreneurs de la chaîne agroalimentaire. « Dans notre plan d’affaires 2024-2026, nous prévoyons d’augmenter la part de nos financements à destination de la filière agroalimentaire de 10% à 20% », indique Souleymane Sarr. La ligne de crédit devrait également contribuer à créer près de 7500 emplois et à soutenir près de 2300 très petites et moyennes entreprises (TPME), dont au moins la moitié se situent dans le secteur agricole, et détenues ou dirigées prioritairement par des femmes.

À travers ce financement, Proparco contribue à renforcer les opportunités économiques et la résilience des systèmes économiques locaux en faveur d’une économie durable et résiliente, et participe à la réduction des inégalités de genre, deux axes majeurs de sa stratégie 2023-2027. 

Cette opération entre dans le cadre de l’initiative Food & Agriculture Resilience Mission (FARM), lancée en 2022 par Emmanuel Macron, Président de la République française, aux côtés de l’Union européenne, du G7 et de l’Union africaine. Elle vise à renforcer la sécurité alimentaire des pays les plus vulnérables.