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- Pouvez-vous nous éclairer sur les enjeux liés au développement des énergies renouvelables en Afrique subsaharienne ?
Fatoumata Sissoko-Sy : L’accès à l’énergie est un catalyseur du développement, pourtant il demeure précaire en Afrique subsaharienne où plus des deux tiers de la population rurale n’a pas accès à l’électricité. La crise liée à l’épidémie de la Covid-19 nous a rappelé à quel point l’énergie est cruciale dans tous les secteurs d’activité, par exemple pour la santé, la continuité du système éducatif ou encore le travail à domicile. Les combustibles fossiles continuent de dominer le mix énergétique en Afrique subsaharienne, ce qui exacerbe le changement climatique et rend les populations vulnérables aux fluctuations des prix, alors que la région est dotée de ressources abondantes en énergies renouvelables qui peuvent rendre l’énergie à la fois abordable, fiable et durable. C’est pourquoi nous nous mobilisons pour accompagner les projets d’énergies renouvelables et d’efficacité énergique.
- Quel bilan dressez-vous en 2021 sur la région ?
Fatoumata Sissoko-Sy : Après l’accompagnement des premières centrales solaires au Sénégal il y a quelques années, l’année 2021 a été exceptionnelle sur la zone Afrique de l’Ouest, avec notamment quatre nouveaux financements climat signés pour un total de 171 M€ de co-bénéfices climat. Parmi ces financements, trois sont en faveur d’infrastructures d’énergies renouvelables qui produiront près de 420 GWh d’électricité par an et permettront d’éviter 224 000 tCO2-eq chaque année :
• Au Burkina Faso, une centrale solaire donnera accès à l’électricité à près de 300 000 personnes d’ici 5 ans, tout en contribuant directement à la trajectoire bas-carbone du pays ainsi qu’à l’objectif du Gouvernement d’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique ;
• Au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Niger et au Cameroun, un projet d’installation de systèmes électriques hybrides permettra de réduire la dépendance des tours télécom aux combustibles fossiles des groupes électrogènes ou aux réseaux peu fiables en utilisant des énergies renouvelables ;
• Et en Côte d’Ivoire, le projet BIOVEA, la première centrale à biomasse de Côte d’Ivoire et la plus grande en Afrique de l’Ouest.
La crise liée à l’épidémie de la Covid-19 nous a rappelé à quel point l’énergie est cruciale dans tous les secteurs d’activité.
- Proparco accompagne Biovea Energie dans le financement de cette première centrale biomasse africaine avec injection dans le réseau électrique national, pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet particulièrement emblématique et sur la valeur ajoutée apportée par Proparco ?
Raphaël Ruat : Le projet BIOVEA consiste à concevoir, à financer, à construire et à exploiter une centrale de production d’électricité à partir de biomasse, basée à Ayebo, près d’Aboisso, dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Il est porté par EDF, Meridiam et le groupe agro-industriel local SIFCA. D’une puissance installée de 46 MW, il constituera la plus grande centrale biomasse d’Afrique de l’Ouest. C’est un projet d’économie circulaire qui utilise des déchets de l’industrie agro-industrielle (tiges des feuilles de palmiers à huile - pétioles) et prévoit le retour des cendres de combustion dans les plantations, utilisées comme engrais. Le projet dispose d’une convention de concession de type BOOT avec l’Etat ivoirien pour une exploitation de 25 ans, dont l’entrée en vigueur a été signée en décembre dernier. Partenaire de référence de l’Etat ivoirien comme du partenaire agroindustriel local SIFCA, Proparco permet au projet BIOVEA de bénéficier d’excellentes conditions de financement avec un apport de 135 M€ de dette et 5 M€ de subvention sur un budget global de 232 M€, et ainsi de fournir une énergie renouvelable (ENR) à un prix abordable à la Côte d’Ivoire qui ambitionne d’atteindre 42% d’ENR dans son mix énergétique à l’horizon 2030.
- Où en est le projet et quels sont les impacts attendus ?
Raphaël Ruat : La documentation de projet (contrats de construction, d’exploitation, d’approvisionnement de la biomasse), ainsi que la documentation de financement ont été signés en 2021. Les travaux du poste d’évacuation d’énergie ont débuté sur le site début 2022. La mise en service de la centrale interviendra à l’été 2025, après environ trois ans de travaux. C’est un projet à fort impact économique et social : la centrale, première en Afrique à produire de l’énergie renouvelable à partir de biomasse pour l’injecter dans le réseau électrique, sera alimentée par 450 000 tonnes de déchets de palmiers, approvisionnés pour 70% auprès des petits planteurs de la zone. En plus de permettre à 1,2 million de personnes de bénéficier d’un service d’électricité amélioré, soutenir 47 000 emplois d’ici cinq ans et générer 1,8 M€ de revenus additionnels par an pour les petits planteurs, le projet permettra d’éviter environ 171 000 tCO2-eq par an sur sa durée de vie, contribuant à la trajectoire bas-carbone du pays ainsi qu’à l’objectif du Gouvernement ivoirien d’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix électrique à 42% d’ici 2030.
En plus de permettre à 1,2 million de personnes de bénéficier d’un service d’électricité amélioré, de soutenir 47 000 emplois d’ici cinq ans et de générer 1,8 M€ de revenus additionnels par an pour les petits planteurs, le projet BIOVEA permettra d’éviter environ 171 000 tCO2-eq par an.
- Ce projet pourrait-il être répliqué et pourquoi ?
Raphaël Ruat : Le projet BIOVEA est un projet duplicable en Côte d’Ivoire et dans d’autres pays de la sous-région qui disposent de ressources en biomasse suffisantes. En Afrique de l’Ouest, la palette des ressources biomasse comprend aussi la cabosse de cacao, l’anacarde/coque noix de cajou, la tige de coton, disponibles en quantité. En effet, la Côte d’Ivoire dispose d’un réservoir important de résidus des plantations de palmier à huile, culture traditionnelle du pays. Par ailleurs, la taille du projet (46 MW) permet une injection limitée de puissance sur le réseau sans nécessité de renforcement de celui-ci.
- Quelles sont les perspectives pour la Côte d’Ivoire, pour le continent africain ?
Raphaël Ruat : Au-delà des centrales biomasse comme BIOVEA, et ses réplications dans la sous-région et plus globalement en Afrique, les actionnaires de BIOVEA Energie tels qu’EDF et Meridiam qui sont présents dans une quinzaine de pays africains, inscrivent leur action dans une logique de partenariat de long-terme pour le développement de projets énergétiques bas-carbone, en s’appuyant sur les forces de l’économie locale en partenariat avec des acteurs locaux solides, comme SIFCA pour le projet BIOVEA et des partenaires financiers solides, connus et réputés comme Proparco. Par exemple en Côte d’Ivoire, des projets de fermes solaires et de barrages hydroélectriques sont à l’étude.
Fatoumata Sissoko-Sy : Le groupe AFD est impliqué depuis de nombreuses années dans l’accompagnement de la trajectoire bas-carbone de la République de Côte d’Ivoire et la sous-région ouest-africaine. Ce projet en est le témoignage, et nous continuerons à soutenir d’autres projets qui s’inscriront dans cette trajectoire positive en Côte d’Ivoire ainsi que dans d’autres pays africains.