Les échanges commerciaux sont un levier central à la croissance des économies et à leur durabilité : elles tirent un bénéfice tant des exportations (via les revenus qu’elles génèrent) que des importations de produits de bases et de matériaux. Au regard de ce constat, l’intégration du continent africain sur le marché du commerce international apparaît comme une priorité.
D’après la Banque mondiale, le commerce en Afrique représente 50 % du PIB du continent. Parallèlement, et bien que la part du continent africain dans les échanges mondiaux ait progressé ces dernières années, l’Afrique souffre toujours d’un fort déficit d’intégration dans les échanges internationaux et son poids reste marginal (de 2 à 5 %). Ces échanges internationaux sont pour la plupart tournés vers l’international (pour plus de 60 % vers l’Union européenne, et plus récemment vers la Chine et d’autres régions d’Asie) et la part des échanges intra-africains dans le commerce total de l’Afrique est relativement faible (15 % en 2017). Le commerce intracontinental pourrait toutefois s’intensifier. La signature, par 44 pays africains en mars 2018 de l’Accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), pourrait mener à une augmentation des flux intra-africains et ainsi accélérer l’intégration économique de l’Afrique dans le commerce international.
Malgré cette tendance encourageante, la collaboration entre les banques des importateurs implantées, dans les activités de Proparco, en Afrique (appelées banques émettrices) et les banques des exportateurs (appelées banques confirmantes) est parfois difficile. En effet, 21 % des demandes de financement du commerce sont rejetées dans les pays de la CEDEAO soit 25 % de la valeur totale des demandes : une situation qui engendre un manque à gagner de 14 milliards de dollars par an. Ces difficultés peuvent être dues à l’absence de relation commerciale et d’historique de paiement, au risque pays, à des capacités restreintes sur ces zones géographiques au niveau des banques confirmantes, ou encore au coût trop élevé du financement du commerce (le prix moyen d’une lettre de crédit est 4 à 8 fois plus élevé dans les pays de la CEDEAO que dans les pays les plus avancés).
À travers son programme de garantie Trade Finance (GTF), Proparco cherche à faciliter ces mises en relation et intervient en tant que garant dans la relation financière entre banques émettrices et banques confirmantes. Cela permet ainsi aux banques locales de bénéficier de limites plus importantes auprès de leurs banques correspondantes et de financer davantage de transactions, grâce à l’élargissement de leur réseau et à l’atténuation du risque réalisé par Proparco sur les lignes existantes. De nombreux besoins ont été recensés et l’intégration de banques confirmantes en Afrique de l’Ouest, Afrique de l’Est et Afrique Australe est à l’étude (permettant ainsi d’accompagner l’intensification des flux au sein de la zone ZLECAF).
Sécuriser les transactions d'import et d'export entre entreprises
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SPÉCIFICITÉS DU COMMERCE AGRO-ALIMENTAIRE EN AFRIQUE
D’une façon générale, si la production agricole en Afrique a augmenté de façon soutenue ces trente dernières années (elle a presque triplé en valeur, quasiment autant qu’en Amérique du Sud, et légèrement moins seulement qu’en Asie pour la même période), c’est principalement grâce à l’expansion des surfaces cultivées, à la croissance démographique sans précédent et à une main-d’œuvre agricole plus abondante. Les rendements ont, quant à eux, peu augmenté – pour les céréales, ils sont en moyenne moitié moindres que ceux obtenus en Asie. Alors que la population totale a plus que doublé, la production céréalière n’a été multipliée que par 1,8 – d’auto-suffisante dans les années 1960, l’Afrique est devenue importatrice nette de céréales. Le fossé entre les deux tendances est encore plus grand pour la viande et les produits transformés, qui sont de plus en plus deman- dés par une population urbaine en expansion (multipliée par trois en trente ans). Les importations représentent 1,7 fois la valeur des exportations. L’Afrique fait face à des défis en termes d’approvisionnement, pour subvenir aux besoins alimentaires croissants de sa population.
Le fonctionnement de la garantie Trade FinanceLe terme Trade Finance désigne les différents outils de financement du commerce international qui permettent de sécuriser des transactions d’import/export entre des entreprises implantées dans des pays différents. Plusieurs facteurs, tels que le risque pays ou l’absence de relation commerciale entre des entreprises géographiquement éloignées, peuvent entraver la réalisation de certaines transactions. Les importateurs et exportateurs font donc intervenir leurs banques respectives, qui prendront tout ou partie du risque de ces dites transactions. L’outil le plus sécurisant est la lettre de crédit (L/C). Lorsqu’une entreprise souhaite importer des marchandises, elle va se rapprocher de sa banque (« banque émettrice »), qui va alors ouvrir une lettre de crédit et notifier la banque de l’exportateur (« banque confirmante ») de cette transaction. La lettre de crédit, dans sa version confirmée, garantit à l’exportateur qu’il sera payé par sa banque confirmante, elle-même réglée par la banque émettrice, une fois les conditions de la lettre de crédit satisfaites (conditions de livraison, réception d’un set de documents attestant notamment le chargement des marchandises sur le cargo, etc.). Il s’agit donc d’un risque bancaire, car en cas de défaut de l’importateur, c’est à la banque émettrice de régler le prix de la marchandise. Conformément à la volonté exprimée par Proparco de soutenir l’insertion croissante des économies en développement dans le commerce mondial et de sécuriser l’approvisionnement en Afrique de biens essentiels, Proparco a développé un programme de garantie d’opérations de Trade Finance à partir de 2017. Au travers de ce programme, Proparco intervient en tant que garant dans la relation entre la banque confirmante et la banque émettrice : le principal produit proposé par Proparco est une garantie qui assure les banques confirmantes contre le risque de défaut des banques émettrices ayant ouvert un instrument de Trade Finance pour le compte d’un de leurs clients. À ce jour, Proparco garantit des transactions, notamment des lettres de crédit et des traites avalisées, entre une quinzaine de banques émettrices, implantées en Afrique, et une dizaine de banques confirmantes, principalement basées en Europe et en Turquie. Le portefeuille de banques émettrices est localisé en Afrique de l’Ouest et Afrique Centrale, toutefois Proparco a pour objectif d’étendre rapidement ce programme sur l’ensemble du continent. Les contreparties sont majoritairement des filiales de grands groupes bancaires panafricains et régionaux (Ecobank et Coris par exemple). Parmi les banques émettrices du programme, sept banques sont situées dans des Pays les moins avancés (PMA). Ce programme fait partie intégrante de l’initiative française Food and Agriculture Resilience Mission (FARM), car il apporte une solution concrète aux défis d’approvisionnement que rencontrent certains pays africains, en cette période de crise et de hausse du prix des matières premières alimentaires et des engrais (90 % des engrais consommés en Afrique subsaharienne sont importés). Il permet de soutenir l’activité des entreprises fortement dépendantes des flux commerciaux à l’import. |
GARANTIR LES FLUX AGRICOLES POUR RENFORCER LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
L’Afrique reste dépendante des flux commerciaux à l’import pour répondre aux besoins essentiels des populations et des entreprises. Dans ce contexte, il est particulièrement important de disposer d’outils qui permettent de soutenir et de fluidifier le commerce international, en particulier intra-continent. C’est l’objet de la garantie Trade Finance de Proparco, qui permet d’apporter des réponses rapides, tout particulièrement aux enjeux de sécurité alimentaire exacerbés en cette période de hausse du prix des matières premières induite par la guerre russo-ukrainienne. Ces flux, comme toutes les transactions commerciales internationales, nécessitent d’être financés par les banques des pays importateurs. Face à ces défis, Proparco a pris des mesures concrètes pour faciliter l’importation de denrées agricoles. Tout d’abord, la mise en place d’une tarification avantageuse sur les flux agricoles encourage les banques confirmantes à se positionner sur ces transactions. Par ailleurs, Proparco propose des pourcentages de couverture plus importants sur ces opérations, pouvant aller jusqu’à 100 % du montant total de la transaction.
Garantir les opérations d’approvisionnement en céréalesEn juillet 2021, Proparco a signé une ligne de garantie Trade Finance avec la banque Afriland au Cameroun, pour un montant de 15 millions d’euros. Cette ligne permettra de garantir notamment l’importation de flux agricoles essentiels pour ce pays confronté à des problématiques d’insécurité alimentaire importantes : en effet, d’après le Programme Alimentaire Mondial au Cameroun, 11 % de la population du pays se trouverait dans une situation d’insécurité alimentaire aiguë, notamment dans les régions d’extrême Nord, du Depuis juin 2022, Proparco a garanti plus de 49 millions d’euros de transactions, dont 31,5 millions de denrées agricoles, notamment du riz. Ces denrées agricoles proviennent majoritairement d’Asie et sont acheminées par bateau au port de Douala, puis par camion dans les régions au Nord du pays. Proparco apporte sa garantie à d’autres opérations d’approvisionnement en céréales, denrées qui connaissent une demande croissante dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Ainsi, Proparco et la banque Bic-Bred (Suisse) SA ont débuté un partenariat en 2022, permettant d’accompagner l’établissement bancaire, filiale à 100 % du groupe français Bred-Banque Populaire, dans le financement qu’elle octroie à Céréalis, |
Ainsi, depuis le début de l’année 2023, ce programme de garantie a contribué au financement de 74,2 millions de dollars de transactions Trade Finance à l’import, dont 50,2 millions de dollars de denrées agricoles (blé et riz), principalement à destination du Cameroun et du Liberia. Au-delà de ce programme, Proparco développe des outils de garantie sur des lignes de financement à des négociants de matières premières agricoles, permettant de sécuriser l’approvisionnement en céréales de certains pays du continent africain.
Les garanties aux acteurs financiers, un soutien déterminant à la sécurité alimentaireYann Jacquemin, Responsable Garanties pour le développement, Proparco La sécurité alimentaire est un élément fondamental du maintien des populations autochtones et de la prévention des conflits d’usage. Parmi d’autres facteurs, elle permet aux populations d’avoir confiance dans l’avenir de leur territoire. En cela, les garanties apportées aux acteurs financiers (les différents produits de garanties du groupe AFD : ARIZ, EURIZ, TPE, MENA…) sont d’excellents moyens de maintenir cette confiance en les accompagnant dans leur soutien aux entreprises du secteur agro-alimentaire. La remédiation à l’insécurité alimentaire peut être notamment vue sous deux prismes, celui de l’urbanisation et de la ruralité, ou celui de son caractère exogène ou endogène. En secteur urbain, les garanties soutiennent par exemple les entreprises sur de l’investissement adapté à la transformation de matières agricoles avec, souvent, un appui à des mesures d’efficacité énergétique (crédit d’investissement). En secteur rural, les garanties pourront davantage soutenir des entreprises exposées à la saisonnalité de leur activité (crédit de trésorerie). Le second angle, lié à la causalité de la crise, distingue crise alimentaire due à un évènement endogène, spécifique à un territoire (un pays qui sort d’un conflit armé, par exemple), ou une dépendance forte à un évènement international, exogène (une inflation de prix internationaux de matières). Là aussi, les garanties ont pu jouer un rôle important d’amortissement des crises alimentaires, avec l’apport de ressources concessionnelles mobilisables rapidement, par exemple par l’État français (ressource FARM, Choose Africa Resilience, etc.), ou par le biais de fonds européens (FEDD). Elles contribuent ainsi à soutenir les acteurs financiers locaux (banques, institutions de microfinance), les seuls capables à la fois d’être présents et d’avoir une connaissance précise du contexte pour soutenir les entreprises du secteur agro-alimentaire. De manière silencieuse, en absorbant un risque donné, les garanties ont ainsi une formidable capacité à maintenir ou catalyser une activité économique cruciale dans certains territoires. |