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De l’échelle du passage au passage à l’échelle

Publié le

Jean-Michel Severino Président I&P

SP&D SAF

Hors série - Sommet Afrique-France : les nouvelles dynamiques entrepreneuriales en Afrique

À l’occasion du Nouveau Sommet Afrique-France qui s'est tenu à Montpellier en octobre 2021, ce hors série de la revue Secteur Privé & Développement a exploré les nouvelles dynamiques entrepreneuriales en Afrique.

Selon Jean-Michel Severino, président d’Investisseurs & Partenaires (I&P), la priorité reste d’investir dans l’accompagnement de l’entrepreneuriat africain formel, le plus à même de résoudre les problèmes structurels du continent. Car les enjeux restent immenses pour garantir un emploi et un avenir à une jeunesse africaine en pleine expansion. Au-delà des mesures de soutien déjà connues et de leurs impacts, le dirigeant d’I&P insiste sur la nécessaire mobilisation des subventions publiques et fonds privés en faveur des programmes d’incubation et d’accélération afin d’appuyer le changement d'échelle des entreprises et start-up africaines.

En 2012, Investisseurs & Partenaires (I&P) apportait quelques centaines de milliers d’euros au capital d’une société ivoirienne certes ancienne mais profondé-ment renouvelée dans ses compétences et ses ambitions. Fondée en 1977 par Idrissa Sanankoua, un Malien installé en Côte d’Ivoire, l’entreprise rebaptisée aujourd’hui Conergies-Group a commencé son histoire en montant et en maintenant des installations frigorifiques sur le port d’Abidjan pour des entreprises exportatrices de thon. Le fils d’Idrissa, Mamadou Sanankoua, diplômé de l’École polytechnique de Montréal et de l’ESCP Business School, riche de premières expériences professionnelles réussies dans de grands groupes en Europe (Schneider Electric, Daikin…), décida en 2011 de reprendre la société familiale, d’une taille encore modeste. Il le fit avec l’appui de son frère, Cheick, lui-même titulaire d’un MBA de Harvard, aujourd’hui à la tête du conseil d’administration du groupe et managing partner d’un grand fonds d’investissement africain. Sous leur impulsion, Conergies s’est rapidement transformée en une entreprise dynamique et innovante, spécialisée dans la conception, l’ingénierie, l’installation et la maintenance de systèmes de climatisation et de froid industriel. En cinq ans, son chiffre d’affaires a explosé, atteignant environ 8 millions d’euros, principalement grâce à ses contrats avec des industriels. Elle emploie désormais 150 personnes entre le Mali et la Côte d’Ivoire. 

En 2019, I&P put céder, de manière avantageuse, ses parts… au groupe EDF. L’entreprise ivoirienne poursuit en partenariat étroit avec Dalkia Froid Solutions un brillant développement qu’anime avec un talent certain la famille Sanankoua. Des aventures entrepreneuriales de ce type, I&P en a beaucoup accompagnées au cours de ses vingt années d’existence. Plus que de longs discours théoriques, l’histoire de Conergies, et ses liens avec un fonds d’impact soutenu notamment par Proparco, illustre le paradigme gagnant-gagnant du soutien à l’entrepreneuriat africain formel. Investir dans ce dernier est la meilleure voie que l’on puisse imaginer pour contribuer à résoudre les problèmes structurels du continent. Si les entrepreneurs africains exportent parfois, et importent un peu, ils produisent par contre des biens et des services, souvent essentiels, au bénéfice des populations africaines, ou d’autres entreprises quand leurs clients sont des industriels. Ils créent en amont des chaînes de valeur locales, qui peuvent être spectaculaires dans certains secteurs comme l’agriculture. Ils créent bien entendu des emplois, et quand ces derniers sont formels, ils font bien plus que générer du revenu. Les impacts directs sur les populations africaines sont donc considérables. Ces entrepreneurs contribuent aussi aux ressources fiscales qui construisent les États africains, leur permettent d’assurer la sécurité publique, l’éducation, la santé ou encore de gérer les infrastructures. Tous ne trouvent pas des partenaires étrangers, certes. Mais c’est le cas pour certains d’entre eux.

Quand ces occasions se présentent, construire une relation avec ces entrepreneurs représente, pour des ETI ou de grands groupes français, l’occasion de développer une présence africaine qui serait autrement très longue et difficile à construire. Les impacts se prolongent alors par le biais des exportations et des importations, mais aussi à travers les relations humaines et financières qui se consolident au fil du temps. Stabilisation politique et sociale, appropriation du tissu économique, résolution des problèmes d’emploi et d’accès aux biens essentiels, construction des ressources publiques domestiques et insertion harmonieuse dans la mondialisation : voici les principaux impacts que l’on peut attendre de l’investissement dans le soutien à l’entrepreneuriat africain.