FACE AU COVID-19
La pandémie de Covid-19 touche aussi le monde en développement. Des milliers de cas ont été signalés en Amérique latine et en Asie du Sud, et de nombreux pays d'Afrique signalent des infections.
Covid-19 : une menace pour la microfinance
Pour les institutions de microfinance (IMF), le défi est immense. En effet, compte tenu de la nature de leurs portefeuilles et des activités de leurs clients, les institutions de microfinance et le secteur de l’inclusion financière en général sont affectés par la crise en cours. Les portefeuilles des IMF sont souvent caractérisés par une part significative du secteur informel, une prépondérance des activités de commerce/négoce, des clients fragiles qui disposent de peu de ressources pour « amortir » les effets de la crise. Ces populations généralement épargnent peu et investissent toutes leurs ressources dans leur activité économique. Bon nombre de ces micro-entrepreneurs urbains dépendent pour leurs besoins essentiels de cette source quotidienne de revenus ; le confinement, sous ses formes diverses, peut donc concrètement signifier leur incapacité à assumer des dépenses d’alimentation, de logement, de santé, etc. Dans certains pays, s’ajoute également la non-distribution d’aides de l’Etat en raison des mesures de confinement lorsque ces aides ne peuvent être distribuées via l’utilisation de monnaie électronique.
Plus que jamais, il est essentiel de soutenir et d’accompagner les acteurs du secteur de l’inclusion financière. C’est tout le sens de l’action de Proparco qui intervient depuis de nombreuses années pour soutenir le développement d’IMFs solides et responsables.
L’urgence : protéger la solvabilité de millions d’emprunteurs
Ses institutions fournissent des services d’épargne et de crédit à 140 millions de personnes à faible revenu dans le monde. « En 2018, la valeur de leurs portefeuilles de crédit ressortait à 124 milliards de dollars », précise le portail FinDev. « Leurs clients sont à 80 % des femmes et 65 % vivent en milieu rural. Dans la plupart des pays, ils appartiennent aux couches les plus pauvres et vulnérables de la société ». La microfinance permet à ces personnes exclues du secteur bancaire traditionnel d’accéder à des services financiers adaptés à leurs besoins (micro-crédit, micro-assurance, micro-épargne, moyens de paiement…). Les micro-crédits sont destinés notamment à financer l’activité génératrice de revenus de ces micro-entrepreneurs. Or, dans le cadre de la réponse sanitaire à la crise, beaucoup de ces micro-entrepreneurs ont dû fermer temporairement leur activité ou la réduire, d’autres ont vu leur chaîne d’approvisionnement affectée, certains IMF ont dû fermer leurs agences, réduire ou modifier leur façon de travailler et le contact avec les clients. Les IMF, à l’instar de leurs clients, sont donc directement affectées par la crise. Les IMF ont rapidement pris des mesures pour éviter la crise de liquidité, elles auront néanmoins besoin également du soutien des bailleurs de fonds pour faire face à la hausse de la demande lors de la reprise d’activité, ce qui est déjà le cas dans certains pays.
Cette résilience et la volonté d’accompagner ses clients se matérialisent dans le cas d’Enda Tamweel, précurseur de la microfinance en Tunisie et dans le monde arabe soutenue de longue date par Proparco. Cette entité démontre depuis presque 30 ans que le microcrédit s’il est pratiqué par des institutions responsables et performantes peut être un levier de réduction de la pauvreté et de développement économique. En réponse à la pandémie de Covid-19, Enda Tamweel a décidé d’accompagner ses clients et d’assurer la stabilité de leur activité génératrice de revenu avec la mise en place de dispositifs spécifiques de soutien. Dès le début de la pandémie et en ligne avec les exigences de la régulation, Enda Tamweel a décidé le report d’une durée comprise entre 3 et 6 mois du remboursement des échéances de crédit, « suite à une demande formelle du client et après analyse au cas par cas ». Elle a également décidé d’un « refinancement de crédit » pour ses clients opérant dans les secteurs touchés par la crise du Covid-19.
Assurer une continuité de services
Ailleurs aussi d’autres IMF se mobilisent. C’est le cas du réseau international de microfinance Advans, actif dans 9 pays en Afrique et en Asie. Accompagné par FISEA, il joue un rôle majeur pour l’accompagnement des entrepreneurs et le développement du secteur privé. En Côte d’Ivoire, Advans a mis en place une campagne de sensibilisation aux mesures de protection de base à destination de ses collaborateurs et de ses clients. Le groupe fait par ailleurs la promotion des systèmes de virement digitaux qui limitent les contacts, comme Mobibank au Ghana ou encore son application bancaire Advans Mobile au Nigeria.
En Inde, Annapurna Finance – avec 1,6 million de clients – a su pareillement s’adapter aux effets de la crise pour assurer une continuité de services. Soutenue par Proparco qui lui a récemment octroyé une ligne de crédit de 15 millions de dollars, cette IMF a généralisé le télétravail afin de permettre à ses agents de poursuivre leurs opérations essentielles. Une nécessité alors que de nombreux emprunteurs « ont demandé des prêts d'urgence pour surmonter les graves problèmes de liquidités auxquels ils sont confrontés », témoigne auprès de l’ONG Accion Dibyajyoti Pattanaik, directeur exécutif de l’IMF indienne. Annapurna Finance a également décidé, au plus fort de la crise, de suspendre le remboursement de certains crédits.
Toutes ces IMF sont ainsi en première ligne pour riposter aux effets de la pandémie. Une réaction responsable et nécessaire. En 2009 déjà, la revue Secteur Privé & Développement de Proparco rappelait que la vertu fondamentale de la microfinance « est d’avoir su démontrer que la mise en place de services financiers réservés aux plus démunis est non seulement possible et nécessaire, mais qu’elle peut être aussi rentable ». Le monde était alors plongé dans une crise financière majeure. Aujourd’hui, face aux effets dévastateurs du Covid-19, les acteurs de la microfinance se mobilisent pour préserver la survie et l’autonomisation financière de toutes ces populations exclues du système bancaire traditionnel.