Partenariats avec le secteur privé : une condition essentielle pour lutter contre la faim

Janvier K. Litse
Conseiller en développement financier pour l’Afrique
Programme alimentaire mondial
Divya Mehra
Conseillère pour les partenariats stratégiques
Programme alimentaire mondial
Varya Meruzhanyan
Responsable des partenariats stratégiques
Programme alimentaire mondial
publié le 16 Octobre 2023
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Sécurité alimentaire
Pour pouvoir espérer vaincre la faim dans le monde il faudra que les systèmes alimentaires durables – comprenant les exploitations agricoles de petites taille et les entreprises locales de transformation des denrées – se structurent et se développent. Cela nécessite un engagement du secteur privé (apportant innovation et efficacité) et l’appui de financements privés responsables. Pour cela, les partenaires de développement et les Nations unies doivent aider les gouvernements à créer un environnement propice.

Les crises alimentaires et énergétiques mondiales du fait de la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales, de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine ont encore ralenti les faibles progrès réalisés pour atteindre le deuxième Objectif de développement durable (ODD 2, « Faim zéro »). Si le coût de la transformation des systèmes alimentaires est estimé entre 300 et 350 milliards de dollars par an, on considère que la part directement liée à l’ODD 2 représente 170 à 190 milliards de dollars.
 
L’aide publique au développement reste insuffisante pour couvrir ces besoins. Il est donc plus que jamais nécessaire de diversifier les sources de financement. Pour les institutions de développement, s’appuyer sur les financements privés suppose la mise en place de partenariats permettant d’identifier et de mobiliser des solutions de financement privé qui soient durables, mutuellement bénéfiques, et qui aient un impact positif en faveur de l'ODD 2.

 

OPPORTUNITÉS DANS LE DOMAINE DE L’ALIMENTATION ET DE LA NUTRITION

Par rapport à d’autres défis de développement moins tangibles que ceux de l’alimentation, ou qui nécessitent des investissements majoritairement publics, certaines composantes du système alimentaire et des chaînes de valeurs agro-alimentaires peuvent être déployées et fonctionner en s’appuyant sur des modèles innovants de partenariat public-privé. De par son expérience et son savoir-faire, une agence comme le Programme alimentaire mondial qui a aidé plus de 160 millions de personnes dans 120 pays en 2022, peut soutenir le déploiement de solutions durables à grande échelle, sur les thématiques suivantes :

  1. Inclusion financière – gestion des ressources, assurance et épargne. Dans une perspective d’atténuation des chocs climatiques, le PAM aide les agriculteurs exposés et leurs familles en leur proposant une démarche de gestion des risques, qui réduit leur vulnérabilité financière et favorise leur résilience. Cette approche englobe la gestion des actifs, l’assurance, la diversification, le microcrédit et l’épargne et donne lieu à des partenariats de partage du risque avec des institutions financières et des organismes publics.
  2. Accès au marché et chaînes de valeur. Les petits agriculteurs ont du mal à accéder aux marchés du fait d’infrastructures insuffisantes, d’un manque de moyens financiers et à cause d’une information de marché mal adaptée. En les aidant à se lier plus étroitement aux marchés et à être mieux informés, le PAM contribue à renforcer à la fois les moyens de subsistance de ces petits exploitants et l’offre de produits alimentaires – tout en améliorant leur intégration dans les chaînes de valeur formelles. En appui à un développement structuré de l’agriculture à petite échelle, des agro-PME et de la transformation locale des denrées, le PAM y voit aussi l’opportunité d’attirer les financements du secteur privé par un ancrage de la demande et diverses formes d’accompagnement technique, sur toute la chaîne de valeur.
  3. Soutien à la production locale d’aliments complémentaires. Le PAM a une grande expérience en matière de production locale de denrées alimentaires nutritives et de qualité, résultat de son expérience en matière de production pour les marchés de proximité et d’approvisionnement pour le compte des gouvernements. Il peut cependant s’avérer difficile de répondre à une demande d’aliments nutritifs, surtout lorsqu’ils sont spécialisés (ANS), en raison du manque de réactivité des chaînes logistiques et d’une fiabilité des approvisionnements parfois défaillante. Pour les investisseurs privés, l’installation d’une production locale d’ANS est souvent compliquée en l’absence d’incitations de marché – au-delà des achats institutionnels – et du fait du montant élevé de l’investissement initial et des contraintes réglementaires.

 

 

 

Comment le PAM agit pour la sécurité alimentaire

Chaque année, le PAM achète pour environ 2 milliards de dollars de denrées alimentaires dans les pays en développement. Il vise à renforcer la sécurité alimentaire en se concentrant sur l’amélioration de l’agriculture à petite échelle, des PME agricoles et de la transformation locale des aliments, en collaboration avec le secteur privé. En créant de la demande pour les denrées de base produites par les petits exploitants, et en leur apportant son accompagnement technique, le PAM favorise le développement des chaînes de valeur et le déploiement d’un financement organisé.

 

 

UNIR SES FORCES, POUR TRANSFORMER LES SYSTÈMES ALIMENTAIRES

Le renforcement de la sécurité alimentaire et la transformation des systèmes nécessitent un effort conjoint, impliquant la collaboration des différentes parties prenantes. Le rôle du secteur privé est essentiel pour établir la pérennité à long terme. Les gouvernements, l’ONU et les institutions de développement partenaires doivent travailler ensemble à créer un environnement propice à des financements privés responsables. Le secteur privé a un rôle crucial à jouer dans l’innovation, l’investissement et l’efficience des systèmes alimentaires. Les entreprises locales – les petits agriculteurs, les PME de transformation, les distributeurs et les grandes entreprises agro-alimentaires, notamment – ont un impact direct sur la sécurité alimentaire et la bonne nutrition. Un modèle public-privé, fondé sur des financements mixtes innovants et sur le partage des expertises techniques, peut s’appuyer sur les forces respectives des parties prenantes pour relever efficacement et durablement les défis de la sécurité alimentaire.
 
Les gouvernements ont, pour leur part, un rôle important à jouer dans l’instauration de politiques publiques et de réglementations qui créent un terrain favorable à la transformation des systèmes et à la sécurité alimentaire. Cela inclut la promotion de pratiques agricoles durables, la garantie d’accès aux terres et aux ressources, la mise en place de dispositifs de marché efficaces. Les pouvoirs publics sont à même d’assurer un environnement réglementaire clair et équitable, et de créer des incitations à l’investissement privé dans des secteurs liés au développement, en facilitant la conduite des affaires. L’ONU et les partenaires de développement peuvent quant à eux contribuer à la formulation et à l’élaboration de politiques innovantes, ainsi qu’à leur mise en œuvre et leur suivi, par le biais d’actions d’accompagnement technique, de financement, de construction et de partage de connaissances.

 

L’ÉVOLUTION DU CONTEXTE MONDIAL

Résoudre les problèmes posés par les besoins humanitaires, par l’urbanisation, par le changement climatique et les migrations exigera une coopération mondiale et des partenariats avec le secteur privé. Ce dernier aura par exemple un rôle essentiel à jouer dans l’action climatique, par le biais d’investissements dans les énergies renouvelables et dans des technologies qui respectent l’environnement. Du fait de la croissance rapide de la population urbaine dans le monde (68 % de l’humanité en 2050), une bonne compréhension des modèles alimentaires et diététiques permettra au secteur privé de répondre à la demande et de favoriser les choix les plus sains.
 
Le secteur privé est donc absolument essentiel au renforcement de la sécurité alimentaire et à la transformation des systèmes d’alimentation. En stimulant l’innovation, en consolidant les chaînes de valeur, en favorisant les pratiques durables et en mobilisant les ressources financières, il est possible de créer un système alimentaire résilient et inclusif. Le Programme alimentaire mondial reste déterminé à promouvoir des partenariats responsables avec le secteur privé, et à employer au mieux la force du collectif pour bâtir un monde où plus personne ne se couche le ventre vide.

 

 

 

« FARM Secteur privé », une initiative au service de systèmes alimentaires durables

Les outils de financement du groupe AFD et de Bpifrance s’adressent à tous les acteurs impliqués dans la chaine de valeur agricole en Afrique – des start-up et des TPE/PME jusqu’aux entreprises agro-industrielles matures. Sur la période 2011-2021, les entreprises des secteurs agricoles et agro-industriels ont bénéficié de financements directs et indirects de la part de Proparco à hauteur de 1,6 milliard d’euros (114 projets), dont plus de 55 % sur l’Afrique. Toutefois, les besoins de financement restent insuffisamment couverts, notamment pour les phases d’amorçage de projets de petite taille et innovants – considérés traditionnellement comme très risqués. La capacité de production des systèmes alimentaires, en particulier dans les zones fragilisées, ne pourra se renforcer que si les solutions agricoles et agro-alimentaires les plus durables changent d’échelle.

Face à cet enjeu, la France a lancé la première phase de l’initiative « FARM Secteur privé », mise en œuvre par Proparco et Bpifrance, et développée en partenariat avec des entreprises françaises. L’enveloppe initiale de 40 millions d’euros cible plus les financements directs des entreprises agro-alimentaires ayant des difficultés d’accès au crédit et des TPE/ PME agricoles à travers le financement de partenaires bancaires et institutions de microfinance, pour répondre aux besoins de petits tickets. Alors que Proparco déploie déjà 100 à 150 millions d’euros chaque année pour renforcer les chaînes de valeurs agricoles en Afrique, cette phase pilote permet de financer des projets dans des environnements fragiles et des milieux ruraux complexes.

Désormais, Proparco est donc encore mieux outillée pour accompagner des entreprises agro-alimentaires moins solides financièrement et avec peu de sûretés mais aussi pour accompagner celles qui subissent des hausses des prix de matières premières et des problèmes d’acheminement logistiques. Proparco dispose par ailleurs de plusieurs atouts pour réduire les risques liés au financement des TPE/PME agricoles. Elle sait appuyer des institutions de microfinance qui soutiennent l’agriculture familiale ou les organisations de producteurs.

Qu’il s’agisse des TPE/PME agricoles ou des entreprises agro-industrielles, Proparco approfondit ainsi, grâce à son implication dans « FARM Secteur privé », son action d’appui à des entreprises innovantes dans des zones géographiques risquées.

 

 

Janvier k. Litse

Janvier K. Litse

Conseiller en développement financier pour l’Afrique
Programme alimentaire mondial

Parcours

Senior Advisor pour le Programme alimentaire mondial (PAM) depuis 2018, Janvier Litse a été pendant sept ans spécialiste de la gestion de la dette et analyste de recherche à la Banque mondiale, après plus de 25 ans passés à la Banque africaine de développement (BAD), où il a notamment occupé les fonctions de Vice-président par intérim pour les Opérations, et de Directeur général pour l’Afrique de l’Ouest. Économiste de formation, il a fait ses études à l’université du Sussex, à la San Diego State University, à l’Institut supérieur de gestion (ISG Paris) et à l’université de Lille I.

Divya Mehra

Divya Mehra

Conseillère pour les partenariats stratégiques
Programme alimentaire mondial

Parcours

Divya Mehra est Conseillère pour les partenariats stratégiques au Programme alimentaire mondial (PAM) qu’elle a rejoint en 2012 et pour lequel elle a occupé différents postes à Rome et à New York, notamment sur les questions de nutrition, de chaînes d’approvisionnement et de partenariats. Actuellement, elle se concentre sur l’engagement du PAM auprès des institutions financières internationales en matière de développement du capital humain. Divya Mehra travaillait avant pour le Boston Consulting Group à New York.
 

Varya Meruzhanyan

Varya Meruzhanyan

Responsable des partenariats stratégiques
Programme alimentaire mondial

Parcours

Varya Meruzhanyan pilote les relations avec les institutions financières internationales basées en Europe au sein du Programme alimentaire mondial. Elle était avant Conseillère auprès du Coordinateur résident des Nations unies en Arménie et a également travaillé pour différentes organisations internationales, ou issues de la société civile, sur la gestion de grands projets autour de l’éducation citoyenne, de l’engagement des jeunes et de l’engagement citoyen. Elle est titulaire d’un master de la Harvard Kennedy School et diplômée de la London School of Economics and Political Sciences.

Programme alimentaire mondial

Le Programme alimentaire mondial (PAM) est la plus grande organisation humanitaire au monde. Elle s’emploie à sauver des vies dans les situations d’urgence, et s’appuie sur l’aide alimentaire pour que la paix, la stabilité et la prospérité redeviennent possibles dans les zones touchées par les conflits, les catastrophes ou les effets du changement climatique. Le PAM est présent dans plus de 120 pays ou territoires. Il procure de quoi se nourrir aux personnes déplacées par les conflits ou laissées sans ressources après une catastrophe, et aide individus et communautés à trouver des solutions face aux multiples problèmes auxquels ils sont confrontés.

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