De nombreux investissements de Finnfund dans l’agriculture comptent de petits exploitants dans leurs chaînes d’approvisionnement – qui interviennent selon des modalités contractuelles très variables. L’accès aux marchés de ces petits exploitants et la sécurité alimentaire sont des impacts de développement clés pour ces investissements.
D’une façon générale, en Afrique, les petites exploitations agricoles peinent à accéder à des intrants, des semences et des fertilisants de qualité, ainsi qu’à des méthodes agricoles modernes. Elles sont en outre confrontées à des difficultés d’accès au marché. Finnfund cherche à mieux comprendre les modalités d’engagement des entreprises agricoles auprès des petits exploitants : quels sont les bénéfices, risques et obstacles inhérents à ces relations, et quels sont les effets de l’agriculture contractuelle sur la sécurité alimentaire ? Il s’agit aussi de recueillir les meilleures pratiques permettant de répondre aux problèmes qui pourraient perturber ces relations. En effet, l’augmentation de la production alimentaire n’entraîne pas automatiquement la sécurité alimentaire, l’investissement dans des cultures de rente destinées à l’exportation pouvant même la réduire. En outre, s’approvisionner auprès de petites exploitations en achetant leurs récoltes n’est pas toujours sans risque pour les entreprises.
Les principales idées et les meilleures pratiques présentées ci-dessous sont tirées d’une recherche universitaire récente intitulée : « Smallholder incorporation in commercial value chains through agricultural traders and local food security », 2022 (avec E2 Research).
RISQUES ET AVANTAGES POUR LES AGRICULTEURS
Pour les petits exploitants, prendre part à l’agriculture contractuelle est une chance d’améliorer leurs moyens de subsistance et de réduire certains risques – par exemple, de fluctuation des prix. L’urbanisation galopante induit la multiplication des commerces de détail, qui exigent des flux réguliers de matières premières de qualité – pour cela, il faut une coordination verticale entre les producteurs et les marchés. L’agriculture contractuelle peut aussi offrir aux exploitants un meilleur accès aux intrants agricoles et aux prestations de conseil.
Alors que l’augmentation des revenus générés par l’agriculture contractuelle peut mener à une plus grande sécurité alimentaire et une meilleure diversité nutritionnelle – les ménages ayant les moyens d’acheter d’autres produits sur le marché –, il n’y a pas d’automatisme en la matière. La famille concernée pourra en effet donner la priorité à d’autres dépenses, comme les frais de scolarité ou les intrants agricoles ; par ailleurs, la diversité des denrées sur le marché local peut s’avérer limitée. Il existe aussi une tendance à favoriser les agriculteurs sous contrat disposant de terres plus vastes, équipées pour l’irrigation. Côté risques, réduire la diversité des récoltes en allant vers la monoculture peut entraîner une perte de fertilité des terres et de biodiversité, d’où une exposition accrue aux phytoravageurs et aux chocs de prix.
SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET RELATIONS DE GENRE
L’accès des femmes aux ressources productives que sont la terre ou les financements est traditionnellement plus limité que celui des hommes, comme l’est aussi leur pouvoir de décision à l’échelle du ménage et de la communauté. L’agriculture contractuelle peut permettre aux femmes de s’autonomiser, en leur donnant les moyens de prendre part au système et d’accéder à l’indépendance financière, augmentant de ce fait leur pouvoir de négociation au sein du foyer. Toutefois, pour y parvenir, une sensibilisation reste nécessaire.
À l’inverse, l’agriculture contractuelle pourrait fort bien renforcer les stéréotypes de genre qui existent dans la conduite de l’activité agricole. Elle peut aussi avoir des effets négatifs sur les équilibres de genre en cas de remplacement des cultures vivrières traditionnelles par des cultures de rente.
RISQUES ET AVANTAGES EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE AU NIVEAU LOCAL
Les changements intervenant dans la production agricole locale ont nécessairement des effets sur la sécurité alimentaire. Tous les membres de la communauté ne bénéficieront pas des effets de l’agriculture commerciale contractuelle, d’où un risque de voir s’accroître les inégalités. En outre, la disponibilité et la diversité des aliments que l’on peut se procurer localement sont susceptibles de se réduire lorsqu’une partie des terres sont consacrées à la culture de rente, tandis que les fluctuations des prix alimentaires peuvent être amplifiées.
Même en ne participant pas directement, en tant qu’exploitant, à l’agriculture contractuelle, il est toutefois possible d’en tirer des avantages, grâce aux nouvelles offres d’emploi, au développement des infrastructures, et aux démarches de responsabilité sociale des entreprises (RSE) mises en place par les entreprises impliquées. Le développement des organisations paysannes peut aussi contribuer localement au renforcement des capacités et à la cohésion sociale.
Les contextes dans lesquels s’inscrit l’agriculture contractuelle des petites exploitations sont extrêmement divers : il n’existe donc pas de solution unique qui résoudrait tous les défis liés aux partenariats impliquant de petits agriculteurs. Pour autant, l’étude mentionnée aboutit à d’importantes conclusions, qui peuvent aider à réduire les risques que posent ces accords, tant du point de vue de l’agriculteur que de l’entreprise contractante. Il s’agit notamment de tenir compte de l’héritage historique et institutionnel qui a façonné la situation locale, de professionnaliser la gestion des relations contractuelles pour renforcer la confiance réciproque et adopter une démarche axée sur le marché.
_Les principes d’un partenariat vertueux au KenyaL’entreprise kényane Kentegra Biotechnology s’approvisionne principalement auprès de petits agriculteurs pour produire un extrait raffiné et clarifié de fleur de pyrèthre. Le partenariat qu’elle a mis en place vise à instaurer la confiance entre les parties prenantes, par la transparence et le traitement équitable des producteurs. En un an, il a permis de tripler le nombre des exploitants sous contrat, qui est passé d’environ 7 000 à plus de 20 000. Les principes du modèle sont les suivants :
En matière de sécurité alimentaire, le modèle a été un véritable succès. Les agriculteurs perçoivent un revenu plus élevé et plus stable, qui leur permet de financer les frais de scolarité de leurs enfants et d’acheter de plus grandes quantités de nourriture. Ceux qui possèdent de petites parcelles – beaucoup font à peine 2 000 m² – sont également éligibles. Actuellement, 50 % de ces agriculteurs sont des agricultrices, mais l’objectif est d’atteindre 55 % d’ici 2027. Pour garantir la sécurité alimentaire des ménages, Kentegra recommande en outre à ses exploitants de diversifier leur production et de réserver un espace à l’agriculture vivrière. |