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Kampala (Ouganda)
Le financement de services locaux essentiels et d’infrastructures durables n’est pas, dans les villes africaines, correctement dimensionné aux besoins. Les fonds de préparation de projets peuvent apporter à des programmes d’aménagements urbains résilients à la fois une assistance technique préalable et un appui à la mise en place. Ce faisant, ils facilitent la prise de décision informée puis le financement , y compris par des acteurs privés.

Les villes africaines sont au cœur d’une transition accélérée (près de 684 millions de citadins en 2020 contre 290 millions en 2000) qui, combinée à des moyens d’investissement très faibles, exerce des pressions sur leur capacité à construire des infrastructures durables et à fournir des services publics de qualité à leur population. Le phénomène d’urbanisation n’est pas seulement un phénomène de « mégapolisation » (Kinshasa, Le Caire, Lagos, etc.) : l’Afrique peut se prévaloir désormais de 8 500 aires urbaines de plus de 10 000 habitants, contre 5 180 en 2 000. Cette urbanisation de l’Afrique nécessite des investissements, qui sont estimés à 150 milliards de dollars par an. Les pays africains ne pouvant en couvrir que 60 milliards, les besoins en financement sont évalués à 90 milliards de dollars ; ils seront indispensables pour rendre les villes plus fonctionnelles et pour répondre aux besoins des populations urbaines en infrastructures de base et en services essentiels.

En même temps que le défi quantitatif, il est impératif de trouver une voie de développement plus durable pour les villes africaines, qui seront confrontées à des conditions climatiques plus difficiles (déjà +1,4° C en moyenne en Afrique depuis l’ère préindustrielle, contre 1,1° C à l’échelle du globe). Les autorités locales ont un rôle important à jouer dans la mise en œuvre des engagements nationaux en matière de décarbonation et d’adaptation au changement climatique, qu’il s’agisse de décliner des stratégies nationales au niveau local, ou de contribuer aux objectifs climatiques du pays par des actions de terrain innovantes.

PRÉPARER DES INFRASTRUCTURES RÉSILIENTES POUR LES VILLES AFRICAINES

Les villes africaines, en effet, sont particulièrement touchées par les catastrophes naturelles, aggravées par le dérèglement du climat alors qu’elles ne contribuent que très faiblement aux émissions mondiales de gaz à effet de serre (l’Afrique ne contribue d’ailleurs de manière générale que de façon marginale aux émissions annuelles mondiales, de l’ordre de 9 % aujourd’hui encore). Ces villes sont souvent situées dans des zones côtières ou fluviales et sont donc plus exposées à la montée des eaux. Quelle que soit leur localisation, elles sont aussi soumises à des événements hydrométéorologiques extrêmes (inondations dévastatrices, vagues de chaleur aggravées par l’humidité en zone tropicale, etc.). Par ailleurs, leur développement reste le plus souvent non encadré : 40 % de leur croissance se fait par la formation ou la densification de quartiers précaires. Le manque d’infrastructures durables et de services essentiels renforce les inégalités socio-économiques, la précarité et l’insécurité, en particulier pour les femmes et les populations les plus vulnérables, et s’ajoute aux conséquences du changement climatique sur la vie quotidienne des populations.

Appuyer les autorités locales dans la production d’études opérationnelles qui peuvent déboucher sur le financement d’investissements pour rendre les villes plus durables et résilientes est donc indispensable. Dans cette optique, l’AFD pilote des fonds en subvention qui permettent de faire intervenir des bureaux d’études locaux et internationaux pour préparer des projets d’aménagements urbains durables. En Afrique subsaharienne, CICLIA (Villes et climat en Afrique) et COM SSA (Convention des maires d’Afrique subsaharienne), cofinancées par l’Union européenne et/ou le Secrétariat d’État à la Coopération suisse (SECO), sont les principaux programmes qui obtiennent des résultats tangibles sur le terrain.

L’AFD, à travers CICLIA et COM SSA, a financé un soutien en expertise, en assistance technique au montage ainsi qu’au lancement de projets. Cet appui vient consolider la préparation de projets d’infrastructures urbaines résilientes, afin d’assurer leur meilleure adéquation avec les Objectifs de développement durable (ODD 11 : « Des villes ouvertes à tous, sûres, résilientes et durables ») et rendre ces investissements finançables par les banques nationales de développement, les institutions financières internationales ou le secteur privé. Ainsi, 15 capitales et 27 villes intermédiaires ont été soutenues dans 19 pays d’Afrique subsaharienne, dont Durban, La Cap, Kigali, Lagos, Lomé, Abidjan, Yamoussoukro, Kampala, Yaoundé, Douala, Conakry, Bobo Dioulasso, Mwanza, Tanga, Ganvié, Djibouti. Avec seulement 15 millions d’euros de fonds de dotation en subvention cumulés au sein de CICLIA et COM SSA, ce sont plus de 1,7 milliard d’euros d’investissements structurants qui pourront être mis en place dans ces villes, grâce à l’ingénierie de montage et de financement de projets déployée sous le pilotage de l’AFD. Sur cette somme, plus de 710 millions d’euros ont déjà été formellement octroyés à ce jour par l’AFD, l’Union européenne et d’autres financeurs.

PREMIERS ENSEIGNEMENTS

L’expérience montre que les fonds de préparation de projets « villes et climat » comblent efficacement deux lacunes. Ils permettent en effet le renforcement des équipes locales (autorités locales et ministères) en dédiant de l'expertise au montage d'un projet spécifique. Ils pallient aussi le manque de ressources financières des municipalités africaines pour lancer de coûteuses études de préparation de projets.

Ces fonds permettent par ailleurs d’accompagner l’émergence et la mise en œuvre opérationnelle d’enjeux fondamentaux au niveau local, tels que l’adaptation des infrastructures urbaines aux phénomènes climatiques extrêmes, la préparation aux catastrophes naturelles, la préservation des services écosystémiques de la nature (« infrastructures vertes »), la promotion de la mobilité urbaine sobre en carbone, la fourniture d'équipements socio-collectifs qui améliorent la qualité de vie des personnes vivant dans des quartiers précaires, etc. Néanmoins, le rôle d’accompagnement de ces fonds à la décarbonation et à l’adaptation climatique des villes peut se heurter à la priorité, donnée par les autorités nationales et locales, au renforcement des services d’urgence, sans remise en cause des normes, standards, modes d’exploitation et d’entretien des infrastructures. Parfois, la prise en compte d’un horizon de plus long terme, induit par les enjeux climatiques, reste limitée.

Enfin, il est indispensable de prendre en compte le temps nécessaire à la préparation et au montage institutionnel de projets d’investissement structurants dans les villes d’Afrique. Identifier, programmer et établir le dialogue politique et technique itératif entre les parties prenantes demande du temps ; pourtant, cette phase est décisive. Elle permet de conduire une analyse préalable approfondie, de construire le dialogue multi-acteurs et la co-conception du projet, mais aussi de travailler à l’acceptabilité des solutions proposées. Elle permet de surcroît la coordination et la mobilisation des co-financeurs et donc la consolidation de volumes importants de financements d’investissement qui serviront à l’indispensable transition urbaine.
 

 
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Le financement d’études préalables, un levier pour l’implication du secteur privé

Les fonds CICLIA et COM SSA préparent le terrain pour encourager la participation du secteur privé, dès que cela est possible. Il s’agit tout autant de susciter des partenariats avec des entreprises privées pour la réalisation et l’exploitation d’infrastructures ou de services urbains, que de mobiliser des financements privés.

Éclairage public, mobilités, gestion des déchets solides font partie des services urbains les plus propices à la participation des acteurs privés. Quand ils sont structurés via ces fonds, c’est-à-dire avec une recherche constante d’alignement aux Objectifs de développement durable (ODD), ces projets peuvent devenir de véritables investissements « à impacts » pour les villes africaines, réduisant les inégalités, préservant l’environnement et le climat. Ils sont alors susceptibles d’intéresser des acteurs privés engagés, spécifiquement parce que les risques pressentis (financiers, techniques, environnementaux et sociaux) sont mieux identifiés et encadrés grâce aux études conduites et au dialogue multi-acteurs qui se déroule en amont. Les études sont ancrées dans les territoires des projets et portent une attention à la « situation et la trajectoire de développement » spécifiques de chaque ville (place based approach).

  • COM SSA a par exemple financé une étude de faisabilité pour le projet d’hôpital universitaire de la Fondation Aga Khan (organisme privé à but non lucratif) à Kampala en Ouganda. Cette étude a permis de mener une analyse coûts/ bénéfices d’un renforcement de l’efficacité énergétique du bâtiment hospitalier, dans la perspective d’une certification verte. En 2020, Proparco et la Fondation Aga Khan ont décidé de prendre en charge le surcoût des mesures d’efficacité énergétique préconisées, d’un montant de 1,5 million de dollars (2 % du coût total de construction).
  • À Djibouti, CICLIA a financé une étude de faisabilité pour la construction d’un nouveau centre d’enfouissement technique (CET) aux normes pour le traitement des déchets. L’analyse comprenait le diagnostic du cadre réglementaire et institutionnel local, ainsi que la comparaison des options possibles d’exploitation du service. Elle a abouti à étudier la préfaisabilité d’un partenariat public-privé et ses caractéristiques potentielles (durée du contrat, répartition des activités entre les parties, allocation des risques et mesures d’atténuation de ces risques, mécanismes de rémunération de l’opérateur, critères de performance de l’opérateur, etc.). Une fois l’option validée par les autorités djiboutiennes, la prestation se poursuivra avec la rédaction du dossier de consultation pour un contrat de type BOT (build, operate, transfer), comprenant la préqualification, l’appel d’offres et le projet de contrat.
  • À Yaoundé, cette fois, CICLIA a financé une étude de faisabilité du projet « Trans Yaoundé » de bus en site propre (Bus Rapid Transit - BRT), l’un des projets prioritaires du Plan de mobilité urbaine soutenable (PMUS) de la ville camerounaise, élaboré en 2019 dans le cadre du partenariat MobiliseYourCity. Le promoteur du projet est la Communauté urbaine de Yaoundé. L’étude propose une exploitation des services de BRT par un opérateur privé et des pistes pour encadrer les risques identifiés, notamment celui d’un possible déséquilibre entre les recettes issues des voyageurs et les charges opérationnelles – en garantissant par exemple un coût de l’énergie attractif, en fournissant un premier stock de pièces détachées à l’opérateur ou encore, en prévoyant le paiement d’une indemnité compensatoire par la puissance publique en cas de fréquentation anormalement basse. Le projet pourrait intéresser des exploitants camerounais, africains ou internationaux. Pour préparer au mieux ce potentiel contrat d’exploitation avec un opérateur privé, l’étude souligne que la Communauté urbaine de Yaoundé devra être conseillée par un assistant contractuel et financier (transaction advisor), qui pourrait rester en place les deux premières années d’exploitation.
  • Enfin, il est intéressant aussi de s’arrêter sur l’exemple d’une étude de faisabilité que finance COM SSA dans le cadre du projet de transport lagunaire « Omi Eko » dans l’État de Lagos (Nigeria). À côté des bailleurs de fonds tels que l’AFD et la BEI, l’UE et l’État de Lagos, le projet, d’un coût total estimé de l’ordre de 400 millions d’euros, devrait mobiliser le secteur privé, dans le cadre d’un contrat d’équipement et de service. Ce contrat permettrait l’exploitation des systèmes de transport intelligent, qui inclurait à la fois la fourniture des systèmes (dont la billettique, l’information aux voyageurs et le centre de contrôle), l’exploitation et l’entretien de ces systèmes pour une durée de 10 ans et l’exploitation des pontons, terminaux et du centre de contrôle pendant la période de concession.
 
Samuel Lefèvre

Samuel Lefèvre

Coordinateur Villes et climat
Groupe AFD

Parcours

Samuel Lefèvre est responsable d’équipes-projets à la division Villes de l’Agence française de développement (AFD), après avoir travaillé neuf ans dans le réseau d’agences (Johannesbourg, Beyrouth, Amman). Son expertise comprend l’ingénierie de montage et de financement de projets d’infrastructures urbaines et de développement local dans les villes. Il pilote actuellement les fonds de préparation de projets développés dans le cadre des initiatives Cities & Climate in Africa (CICLIA) et de Covenant of Mayors Sub-Saharan Africa (COM SSA), cofinancées par l’Union européenne, le Secrétariat d’État à la Coopération suisse (SECO) et l’AFD, au bénéfice des villes africaines. Il anime également la communauté de pratiques Villes et climat de l’AFD.

Groupe AFD

Le groupe Agence française de développement (AFD) contribue à mettre en oeuvre la politique de la France en matière de développement et de solidarité internationale. Climat, biodiversité, paix, éducation, urbanisme, santé, gouvernance… Nos équipes sont engagées dans 4 200 projets à fort impact social et environnemental dans les Outre-mer français et plus de 150 pays. Nous contribuons ainsi à l’engagement de la France et des Français en faveur des Objectifs de développement durable (ODD).

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