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En 1985, à l'initiative du secteur privé – conduit par la Fédération des Chambres de Commerce et d'Industrie de l'Afrique de l'Ouest (FCCIAO), avec l'appui de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) – Ecobank Transnational Incorporated (ETI) s'établit au Togo en tant que holding financière du futur groupe Ecobank. Elle reçoit alors un double mandat : il s'agit tout d'abord de construire une banque africaine de niveau international ; il s'agit par ailleurs de contribuer à l'intégration économique et au développement des sociétés africaines.

Aujourd'hui, le groupe Ecobank mène des opérations dans 29 pays, s'appuie sur un réseau de 800 agences et bureaux, dispose d'une équipe de plus de 11 000 professionnels. ETI génère plus d'un milliard de dollars en chiffre d'affaire brut ; son bilan s'élève à près de neuf milliards  de dollars. La performance d'Ecobank – à l'instar de celles d'autres banques sur le continent – confirme l'Afrique comme étant une destination d'investissement tout à fait valable, en dépit des risques perçus. Créée en tant que société publique à responsabilité limitée, le capital autorisé d'ETI s'élevait alors à 100 millions de dollars. Le capital libéré initial d'un montant de 32 millions de dollars a été levé auprès de plus de 1500 particuliers et institutions d'Afrique de l'Ouest. L'actionnaire le plus important était alors le Fonds CEDEAO, filiale de la CEDEAO spécialisée dans le financement du développement. En 2006, pour des raisons stratégiques, le groupe Ecobank entreprit la première et seule cotation multiple simultanée de ses actions sur trois places boursières d'Afrique de l'Ouest : la Ghana Stock Exchange (GSE), la Nigerian Stock Exchange (NSE) et la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) pour l'Afrique de l'Ouest francophone.

 

Une souplesse financière accrue

Il était primordial pour Ecobank – en tant que banque panafricaine – d'avoir accès à des marchés de capitaux en Afrique de l'Ouest. La cotation multiple avait vocation à générer de la flexibilité financière, afin de répondre aux futurs besoins en capitaux du groupe. L'atteinte de cet objectif est parfaitement illustrée par la levée par ETI de plus de 550 millions de dollars sur les trois places boursières africaines, en plein milieu de la crise financière de 2008. Le capital d'ETI est ainsi resté très diversifié ; l'actionnariat se compose à la fois d'institutions, de particuliers et du personnel du groupe. Il n'y a pas d'actionnaire majoritaire. Aujourd'hui, le capital libéré s'élève à 775 millions de dollars, détenu par environ 175 000 actionnaires, dont environ 170 000 particuliers. Géographiquement, l'actionnariat est situé majoritairementsur le continent africain dans son ensemble, et également en Europe. Depuis son introduction en bourse, la performance du titre ETI a été globalement bonne. Mieux, le cours de l'action n'a pas été fortement affecté par la crise, malgré l'effondrement des marchés de capitaux : le cours de l'action ETI s'est maintenu à un bon niveau grâce, principalement, à la solidité financière du groupe (Figures 1 et 2).  

 

Renforcement de la transparence et de la notoriété

Les standards de transparence sur les opérations du groupe ont été revus à la hausse – il était évident que l'introduction en bourse aurait cet effet – voulu par ETI. Bien entendu, le groupe publie ses comptes aux normes IFRS 1; mais les exigences des différentes places boursières ont conduit Ecobank à fournir encore plus d'informations sur ses opérations et sur ses résultats financiers. Cela a permis à ETI d'atteindre et de maintenir un niveau de discipline et de rigueur financière très élevé. La notoriété d'Ecobankest forte, partout en Afrique. Cette renommée – très utile au développement des activités – est, de toute évidence, un des effets de la cotation multiple. Les opérations boursières de 2006 et de 2008 ont manifestement contribué au renforcement de la popularité du groupe. Au Ghana par exemple, la croissance de la collecte de dépôts par Ecobank est rapide, les investisseurs privilégiant une banque cotée et à dimension panafricaine. Cette notoriété croissante a aussi facilité l'expansion du groupe, par le biais d'acquisitions. En effet, en raisons des niveaux de transparence et de discipline financière requis par la cotation, les banques centrales sont plus enclines à accepter les projets de rachat par des sociétés cotées.

 

Amélioration de la liquidité des titres

L'amélioration de la liquidité des actions ETI était aussi un des objectifs de la cotation multiple. Les marchés en Afrique de l'Ouest ayant une profondeur et une liquidité limitée, l'introduction d'Ecobank sur un seul de ces marchés aurait inévitablement limité la liquidité des actions. La cotation multiple permet en revanche aux actionnaires de disposer d'une capacité d'échange de leurs actions plus importante.Ce type de cotation permet aussi au groupe d'attirer davantage d'investisseurs, notamment des particuliers ; en effet, le choix proposé par chaque bourse étant plus large, plus d'investisseurs – dont des particuliers – s'intéressent aux produits de ces places boursières. En effet, le titre ETI élargit et donc améliore l'offre de placements sur les bourses locales. En outre, la proximité géographique de chacun des marchés mais également la disponibilité des actions sur trois places boursières simultanément facilitent et rendent attractifs les échanges pour les investisseurs. Par exemple, il aurait été difficile pour des particuliers au Nigéria de vendre des actions ETI si elles avaient été introduites uniquement au Ghana – et vice-versa. Ainsi, ETI est maintenant une des actions les plus activement échangées sur la BRVM et sur la Ghana Stock Exchange (Tableau 1) – ce qui a, en retour, amélioré la liquidité de ces places boursières.    

 

La cotation multiple comme vecteur d'intégration des marchés

L'approfondissement et l'intégration des économies et des marchés de capitaux dans les pays où le groupe opère fait également partie des objectifs développementaux d'ETI. Cette motivation est toute entière fondée sur la conviction d'Ecobank que le secteur financier joue un rôle central dans le développement économique, tout particulièrement dans le contexte de la mondialisation. Un solide secteur financier peut en effet apporter les ressources nécessaires au développement des autres secteurs de l'économie africaine. La cotation multiple d'ETI a permis aux investisseurs d'accéder à plusieurs marchés et d'y intervenir en fonction des opportunités. En effet, à l'origine, les actions étaient cotées au même cours, mais, avec le temps, des arbitrages sont devenus possibles du fait des imperfections de marché. Les investisseurs peuvent ainsi suivre la variation des cours des titres sur les différentes bourses et déterminer où les acheter et les vendre pour réaliser des plus-values. Ces opérations contribuent à l'identification de «goulots d'étranglement» rendant difficiles l'exécution des transactions boursières transfrontalières et donc à la résolution de certaines inefficiences de marché. La diffusion progressive de l'information sur les différentes places boursières permet également de corriger les imperfections de marché. Au final, l'introduction en bourse d'ETI aura participé au renforcement de l'intégration régionale des marchés et de leur efficience.

 

Malgré les défis, une expérience à reproduire

La cotation multiple a des inconvénients. Les coûts d'audit et de conformité sont plus élevés que ceux d'une cotation simple, en particulier du fait de l'accumulation des conditions requises par chaque marché. Les formalités administratives – telle que la mise à disposition du public de tout un ensemble d'informations financières et comptables – ainsi que les exigences liées à la gouvernance d'entreprise sont nombreuses car définies par diverses lois et réglementations. De plus, les coûts de transaction – comme le courtage et les frais d'introduction en bourse - sont également plus importants dans le contexte d'une cotation multiple. Enfin, il faut aussi faire face aux imperfections de marché et aux opportunités d'arbitrage. Pourtant, il semble évident pour Ecobank que les bénéfices de la cotation multiple contrebalancent les coûts engendrés et les défis à relever : cet engagement précoce sur les marchés de capitaux africains permettra sans doute au groupe de participer et profiter du développement futur de ces pays d'Afrique de l'Ouest. En témoigne d'ailleurs, la réussite de la levée de fonds par ETI de plus de 550 millions de dollars en 2008, malgré la crise financière. Dans la mesure où les défis et les inconvénients de la cotation multiple pourraient dissuader de nombreuses sociétés, des mesures devraient être prises pour réduire son coût, en harmonisant les procédures pour faciliter la cotation dans les différentes places boursières africaines.

 

Note de bas de page : ¹ International Financial Reporting Standards.

Arnold Ekpe

Directeur général
Ecobank

Parcours

Arnold Ekpe est diplômé de l'Université de Manchester, en Génie mécanique ; il est par ailleurs diplômé de la Manchester Business School. Directeur général d'Ecobank Transnational Incorporated (ETI) depuis 2005, il a été avant cela le directeur exécutif puis le directeur général de l'United Bank for Africa. En 28 ans de carrière dans la banque, Arnold Ekpe a conduit de nombreuses opérations financières et conclu de nombreux accords commerciaux décisifs – tout particulièrement en Afrique de l'Ouest et en Afrique australe.

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