Plus de
350 000
emplois de planteurs agricoles seront créés ou maintenus en 2015
SRI LANKA — En trente ans, MA’s Foods, une société spécialisée dans les produits alimentaires à base d’épices et dérivés de coco, a sû se faire un nom sur le marché sri-lankais et international.

Le Sri Lanka est, depuis longtemps, réputé pour ses épices (cannelle, poivre, girofle, muscade, etc.). Avec les produits dérivés et les huiles essentielles, elles représentent encore plus de 50 % des exportations agricoles du pays.

La société MA’s Foods est une des plus réputées du secteur. Créée il y a 30 ans à Dambulla, une localité au voisinage des meilleures plantations de l’île, MA’s Foods a démarré son activité avec la transformation d’épices, et seulement cinq employés. Elle a ensuite progressivement élargi sa gamme de produits aux confitures, chutneys, pâtes de curry, mélanges d’épices, etc. Elle possède aujourd’hui cinq marques et a investi, depuis 2006, la production de dérivés du coco (lait et poudre).

La micro-entreprise s’est muée en société prospère, forte de 300 employés. Pour assurer ce développement, son fondateur, Mario de Aldwis, a su trouver les ressources auprès d’acteurs financiers et d’investisseurs locaux et internationaux. Le dernier en date : un fonds du gestionnaire indien Aavishkaar, dont Proparco est devenue actionnaire en 2015, et qui a investi 2,1 millions de dollars dans l’entreprise (voir encadré p. 27).

L’homme a aussi su anticiper les attentes du marché. Sa société a, par exemple, été la première au Sri Lanka à obtenir, en 2003, une certification pour son système de gestion de la sécurité sanitaire des aliments (SQF). Deux ans plus tard, elle obtenait les labels « bio » de l’Union européenne et du Japon. Puis, à leur suite, les certifications FSSC 22000 (sécurité alimentaire), ISO 14001(management environnemental), ISO 18001 (santé et sécurité au travail), commerce équitable, agriculture biologique (Europe, Japon, États-Unis) et Sedex (commerce éthique).

Au Sri Lanka, deux femmes sur trois n’ont pas d’emploi. Ici, elles représentent 50 % des employés

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Sri Lanka Ma's Food
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Le commerce équitable, comment ça marche ?
Les agriculteurs et les travailleurs situés en amont de la chaîne ne reçoivent pas toujours une part équitable des bénéfices commerciaux. Le système fairtrade ou « commerce équitable » vise à assurer une plus grande équité. Déterminé par les standards fairtrade, le prix minimum d’achat garantit la couverture des coûts de production et assure un filet de sécurité aux agriculteurs lorsque les marchés mondiaux chutent en dessous d’un niveau viable. À cela s’ajoute une prime versée dans un fonds communautaire destiné à financer des projets d’éducation, de santé ou d’amélioration des rendements et de la qualité des exploitations agricoles.
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UN FONDS POUR LES TPE/PME EN ASIE
Créée en 2001, Aavishkaar (« innovation », en hindi) est la plus importante société de gestion de fonds d’investissement à visée sociale et environnementale en Inde. Elle gère plus de 200 millions de dollars d’actifs via ses cinq fonds dédiés au financement en capital (de 0,5 à 5 millions de dollars) de TPE/PME actives dans l’agro-industrie, l’éducation, l’énergie, la santé, l’eau et l’assainissement ou encore l’inclusion financière. Son leitmotiv : stimuler le développement économique et social, tout en assurant un retour financier. Les investissements d’Aavishkaar ont, par exemple, permis de créer près de 35 000 emplois et d’offrir un accès à des produits et des services abordables à plus de 28 millions de personnes en zones rurales et semi-urbaines. Ces résultats lui ont valu plusieurs récompenses, à l’instar du World Business Award (2006) qui a reconnu le premier fonds d’Aavishkaar (AIMVCF) comme l’un des dix modèles dans le monde servant le mieux les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

Forte de son succès en Inde, Aavishkaar a choisi de répliquer sa « recette » en Asie du Sud et du Sud-Est. Doté de 45 millions de dollars, son nouveau fonds, Aavishkaar
Frontier Fund (AFF), a pour objectif de soutenir des TPE/ PME en forte croissance au Pakistan, au Bangladesh, en Indonésie et au Sri Lanka. Une initiative appuyée par Proparco qui a pris, en 2015, une participation de 6 millions d’euros dans AFF. AFF a réalisé son premier investissement au Sri Lanka dans MA’s Foods. Deux millions cent mille dollars (300 millions de roupies) qui permettront à l’entreprise de lancer de nouveaux produits (huiles végétales et plats cuisinés), d’augmenter ses capacités de production, notamment pour l’export, et de créer une nouvelle usine de fabrication du coco dans le nord de l’île, une région très affectée par la guerre civile (1983-2009).
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Faire rimer business et soutien communautaire
L’autre clé du succès de MA’s Foods est d’avoir fait le choix d’un business model inclusif, explique Mario de Alwis. « Depuis le début, nous avons conçu MA’s comme une société en lien avec son environnement: les habitants de Dambulla, les planteurs alentour... ».

Pour lui, ce qui fait la différence avec d’autres acteurs nationaux de l’agro-industrie, « c’est l’enracinement local, la prise en compte des gens avec qui nous travaillons. Sans cela, il est possible de se faire une place sur le marché mais pas de durer. Dans cette industrie, certains oublient que leur réussite, ils la doivent avant tout aux hommes et aux femmes qui travaillent pour eux. Vous pouvez avoir les meilleures technologies et les meilleures machines, au bout du compte, ce sont les planteurs qui ont les mains dans la terre, les employés de nos usines qui sélectionnent et préparent les produits. Et si vous passez à côté de cela, vous passez à côté de votre métier. »

Chez MA’s Foods, 50 % des employés sont des femmes. Deux d’entre elles sont managers et quatre, assistantes de managers (contre sept hommes). Des chiffres dont Mario peut s’enorgueillir dans un pays où deux Sri-Lankaises sur trois sont sans activité professionnelle.

Dans l’enceinte de ses usines, MA’s Foods fournit gratuitement le logement et les repas à ses salariés. À Dambulla, une centaine d’entre eux résident sur place pendant la semaine de travail. Si ce service a un coût, il contribue aussi à sécuriser l’activité de l’usine. Et pour les employés, il représente un avantage non négligeable lorsque la location d’un appartement d’une pièce oscille ailleurs entre 40 et 60 euros par mois et où les dépenses alimentaires coûtent autant – pour des salaires atteignant à peine 100 à 300 euros par mois.
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REVALORISER LES MÉTIERS DE LA TERRE
Mais l’engagement communautaire de MA’s Foods ne s’arrête pas là. Pour son approvisionnement, elle privilégie l’achat auprès des petits exploitants agricoles qu’elle accompagne par ailleurs dans l’adoption de pratiques responsables.

Dans ce but, elle a initié la structuration d’un réseau de planteurs engagés pour une agriculture durable : Safenet (Sustainable Agri-Farmers Enterprise Network). L’objectif ? Les aider à satisfaire aux standards internationaux des certifications du commerce équitable et de l’agriculture biologique. Les équipes de MA’s leur apportent conseil, assistance technique et formation. Le coût des certifications est pris en charge par MA’s Foods.

Dans les cocoteraies du sud de l’île, le label « bio » a permis aux planteurs du réseau Safenet de vendre leur production 300 à 400 roupies le kilo plus cher que les prix du conventionnel. Malgré cela, Rajeewa Kularathna, responsable de la conformité à Dambulla, reconnaît que la tâche peut être ardue : « Il est parfois difficile de faire bouger les pratiques et de faire comprendre aux planteurs les bénéfices qu’ils peuvent tirer des certifications. D’autant que cela peut prendre jusqu’à cinq ans pour obtenir le label “commerce équitable” et deux à trois ans pour le bio. »

En soutenant l’essor de l’agriculture biologique au Sri Lanka et le commerce équitable, le fondateur de MA’s Foods ne cache pas son espoir de contribuer à revaloriser l’activité agricole.

« Comme ailleurs dans le monde, elle a perdu de son attractivité. Nos jeunes cherchent à quitter les campagnes. Pour eux, l’agriculture, c’est le choix ultime, la dernière solution quand ils ont échoué ailleurs. Je suis inquiet pour l’avenir. Dans 50 ans, il nous faudra nourrir trois millions d’êtres humains supplémentaires. Comment allons-nous faire si personne ne veut travailler la terre ? Le Sri Lanka a la chance d’avoir le potentiel naturel et humain pour contribuer à relever ce défi, mais pour l’instant, rares sont les initiatives pour fédérer l’ensemble des acteurs et développer une agro-industrie durable à l’échelle nationale, dans l’intérêt des paysans, de notre économie, du pays. »

Face à ce défi, Mario de Alwis dit vouloir assurer la pérennité du travail accompli : « Après avoir fait grandir MA’s, il faut penser à l’étape suivante. Je ne suis pas éternel, il est important pour moi d’assurer ma succession ». Cette relève, Mario l’a déjà préparée. Son fils aîné, Maliek, est l’actuel PDG de MA’s Foods et le plus jeune, Sheran, est directeur de la conformité.
MA’S FOOD, L’AGRICULTURE DURABLE AU SRI LANKA / IMMERSION 360° PROPARCO