Assurer, inclure et promouvoir : l’assurance en Afrique

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Afrique
L’ASSURANCE EN AFRIQUE
un accélérateur économique
Reportage
5,4 %
de la population africaine est couverte
647 MUSD
de prime de micro-assurance
61,9 millions
de personnes assurées
Le caractère immatériel de l’assurance masque son rôle dans le développement économique. Elle contribue pourtant à stimuler la croissance, à accroître la résilience des économies locales et des ménages, à favoriser la redistribution. Et, grâce aux primes d’assurances collectées réinvesties, elle stimule l’activité financière. Pour réaliser le potentiel que représente l’assurance en Afrique, les acteurs du secteur sont au défi de repenser leurs produits et leurs canaux de distribution en adéquation avec les caractéristiques des marchés locaux.

on donne une somme d'argent aujourd'hui pour couvrir un risque qui arrivera éventuellement demain. Pourtant, elle a toujours existé. Elle est aujourd’hui  proposée par des organisations traditionnelles, des sociétés privées ou les pouvoirs publics. En Afrique, les outils classiques d’« auto-assurance », conçus pour transférer et gérer les risques collectivement, prennent souvent la forme d’une épargne communautaire supervisée par un « sage » ou régie par des rapports hiérarchiques et sociaux plus complexes. Partager les risques et les ressources pour aider des personnes en difficulté est courante en Afrique. Outre les tontines, des organismes à but non lucratif ou basés sur l’adhésion, comme les sociétés funéraires en Afrique du Sud ou les « iddirs » pour les petits agriculteurs en Éthiopie, ont développé des dispositifs de partage des  risques pour les personnes sans accès à une assurance formelle.

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PRO_ASSURANCES
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Un bon accélérateur,côté économie
Passer de ces systèmes d’assurance communautaires informels à des systèmes individuels formels a des impacts positifs sur le développement économique local : ils contribuent à la croissance et la stabilité des économies, ainsi qu’à la redistribution et la solidarité entre les individus (voir schéma
ci-après).

Cet effet accélérateur de l’activité peut être analysée de deux façons : premièrement, au travers du rôle principal de l’assurance associé au versement d’indemnités en cas de réalisation d’un risque et deuxièmement, via le rôle en tant qu’investisseur institutionnel lié aux provisions techniques accumulées pour le versement d’indemnités dans le futur. En effet, les primes d’assurances collectées étant réinvesties dans l’économie locale sous forme d’obligations d’État, d’obligations d’entreprises et d’actions, elles transforment une épargne court terme en épargne long terme favorable au développement de l’économie locale. Ainsi, plusieurs recherches ont mis en évidence la corrélation entre le taux de pénétration de l’assurance et la croissance du PIB. En analysant la situation de 77 économies avancées ou émergentes entre 1994 et 2005, les travaux de Han et coll. (2010) ont montré qu’une pénétration totale de l’assurance en hausse de 1 % se traduisait par une augmentation de 4,8 % de la croissance économique (1,7 % si l’on ne retient que l’assurance-vie).

En effet, un faible développement économique et une économie fragile peu transparente sont généralement associés à un taux de pénétration de l’assurance bas – les mécanismes informels et traditionnels d’auto-assurance étant difficilement quantifiables. En revanche, lorsque le PIB par tête atteint entre 3 000 et 5 000 dollars, le taux de pénétration de l’assurance augmente plus vite que le PIB jusqu’à ce que le marché arrive à maturité.

Deux grands facteurs expliquent cette corrélation. Premièrement, une fois assuré, un individu peut prendre des décisions plus risquées que s’il devait les assumer seul, par exemple pour créer une société, construire une infrastructure ou une usine, développer une nouvelle technologie, etc. En effet, lorsque ces risques sont couverts par une assurance, les individus gagnent en sérénité et peuvent, plus facilement, prendre des décisions influant sur leur productivité et investir à long terme : par exemple, en commençant à utiliser des engrais, en scolarisant un enfant ou en prenant les mesures préventives pour se prémunir contre le paludisme.

Deuxièmement, l’assurance a un impact sur la baisse des taux d’intérêt et l’allongement des maturités de crédit.En protégeant des entreprises et des ménages contre la perte de biens, des dommages ou des difficultés à rembourser un emprunt, elle contribue à réduire le risque de crédit.
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L’assurance, un facteur de stabilité et de solidarité entre les individus
L’assurance représente également, pour les économies locales et les ménages, un facteur de stabilité et de résilience face à des événements extrêmes. Elle leur permet, par exemple, de se couvrir contre des catastrophes naturelles en transférant le risque à des compagnies d’assurance et aux marchés financiers. Enfin, l’assurance donne une tangibilité économique au concept de solidarité entre les individus et les générations, en permettant l’agrégation et la mutualisation des risques. L’assurance rétablit une forme d’égalité entre assurés : après avoir payé une prime, ce qui importe, c’est le risque auquel l’individu fait face et non pas ses revenus, son éducation ou son statut social.

Ainsi, au niveau macroéconomique, le secteur de l’assurance contribue à la formation de revenu national par la création de valeur ajoutée. La mesure de la contribution demeure complexe et multifactorielle tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif. Mais la demande intérieure croit, largement soutenue par la vitalité démographique de l'Afrique et par la montée en puissance des classes moyennes, estimées à 350 millions de personnes sur le continent. Cet article reprend en grande partie l’article du numéro 25 de la revue Secteur privé & Développement, revue éditée par Proparco. Ce numéro propose d’explorer les opportunités et les contraintes de l’assurance en Afrique, en présentant les analyses de plusieurs parties prenantes du secteur (assureurs, chercheurs, bailleurs, etc.).
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Activa, la confiance dans l'impact de l'assurance
Créé au Cameroun en 1998, Activa est devenu un acteur majeur de l’assurance (vie et non vie) en Afrique subsaharienne, présent aujourd’hui dans sept pays africains. Il y a vingt ans déjà, son fondateur et actuel PDG, Richard Lowe, pressentait le potentiel du marché. En 2014, son groupe a réalisé au Cameroun un chiffre d’affaires de 23 milliards de FCFA (environ 35 millions d’euros), devenant la deuxième compagnie d'assurance du pays. Pour Richard Lowe, le succès d’Activa s’ancre dans une ambition africaine et vise à ce que « les Africains soient capables, dans un secteur aussi concurrentiel, de travailler sur des standards internationaux sans aucun complexe ». Un succès soutenu par Proparco qui s’est engagé à investir 10 millions d’euros en fonds propres dans le groupe Activa, pour l’accompagner dans son développement en Afrique subsaharienne, y compris en RDC.

Après s’être longtemps centré sur les entreprises internationales, Activa a compris l’importance de cibler les populations loin du champ des assurances, en particulier en zone rurale. Pour toucher cette population agricole - 70 % de la population au Cameroun vit de la terre (Swiss Re) -, le groupe propose un produit couvrant les risques de mortalité du bétail. Depuis peu, il développe les assurances agricoles, pratiquement inexistantes sur tout le continent, pour faire face aux risques climatiques. Les plus pauvres constituent une cible particulière à laquelle Activa propose des services de micro-assurance. Pour Richard Lowe, « cela demande de créer des produits compatibles avec le pouvoir d’achat de ces populations à très faibles revenus ». Activa est ainsi devenu l’un des pionniers de la micro-assurance sur le marché camerounais. Activa Makala, une micro-assurance commercialisée par téléphone portable, via le service money d’Orange, a ainsi été lancée en décembre 2015 en partenariat avec l’opérateur de télécoms Orange. Contre 0,91 ou 1,52 euro par mois (600 francs CFA ou 1 000 francs CFA) selon le forfait choisi, l’assuré est couvert contre les accidents de la vie privée et de la vie professionnelle impactant ses sources de revenus. Avec ce service innovant, Activa espère atteindre 30 000 abonnés en 2016 et 2017 avant de doubler ses objectifs à partir de 2018.
phases
1

Vecteur de croissance

Prise de risque facilitée. Impact positif sur les taux d’intérêt, l’offre de crédit et les modalités financières.

2

Vecteur de stabilité

Au niveau économique : protection des sources de revenu et renforcement de la résilience post-catastrophe. Au niveau financier : approche à long terme.

3

Vecteur de redistribution

Mise en commun et mutualisation des risques : l’assurance répartit les risques entre générations et individus.

3 questions à richard Lowe
Richard Lowe, PDG d’Activa, acteur majeur de l’assurance en Afrique dans lequel Proparco a investi 10 millions d’euros en fonds propres en 2016.