Des toilettes dans les bidonvilles de Nairobi

PRO-KENYA-SANERGY-2015
AfriqueKenya
Des toilettes
dans les bidonvilles de Nairobi
8
bidonvilles équipés
646
toilettes utilisées plus de 30 000 fois par jour
7 500
tonnes de déchèts traités
KENYA — Dans les quartiers pauvres de la capitale kényane, les toilettes « à domicile » sont rares : sacs en plastique et fosses à ciel ouvert servent aux besoins élémentaires. En réponse, la société Sanergy a développé un réseau de toilettes payantes à bas coût, dont elle a optimisé l’usage : les déchets organiques sont transformés en engrais et commercialisés auprès des paysans. Ce business model au service des plus démunis est soutenu par le fonds Novastar, dans lequel Proparco a investi.

Plus de 2,5 milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à une installation sanitaire élémentaire. Dans les bidonville Plus de 2,5 milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à une installation sanitaire élémentaire. Dans les bidonvilles de Nairobi, cette situation affecte 2,5 millions d’individus. Pour leurs besoins, ils utilisent des fosses à ciel ouvert ou des sacs plastique qu’ils déposent dans la rue ou jettent simplement au loin.

« Sanergy est une solution rentable – donc durable – d’assainissement dans les bidonvilles. Notre objectif ? Servir plus d’un demi-million de personnes à Nairobi. »

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David Auerbach, cofondateur de Sanergy
CHAINE ASSAINISSEMENT

 

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SANERGY
PRO-KENYA-SANERGY-ENGRAIS-2015
0,025 CENTIME D’EURO
Sur un modèle proche des toilettes mobiles de chantier, Sanergy, une société américano-kényane, a développé des toilettes à partir de matières premières locales, assemblées par une main-d’oeuvre locale, notamment des habitants des bidonvilles. Compactes, ces fresh life toilets (FLT) sont munies d’un système de stockage autonome. Elles peuvent être implantées et utilisées partout. Pour la distribution des FLT, Sanergy a mis au point un système de franchise auprès des habitants des bidonvilles. Les dénommés fresh life operators (plus de 300 aujourd’hui) gèrent les toilettes comme des entreprises, en faisant payer l’accès à chaque utilisateur. Ils fixent eux-mêmes le tarif en fonction des moyens de leur clientèle : 0,025 à 0,043 centime d’euro, en moyenne (3 et 5 shillings). Sanergy travaille également avec les propriétaires fonciers pour qu’ils installent des toilettes salubres sur leur terrain. Certains ont augmenté
les loyers pour amortir le coût des FLT mais la plupart ont constaté que l’installation de toilettes accroissait le taux d’occupation des logements équipés et couvrait largement leur investissement. Afin de garantir la qualité du service, le bon fonctionnement des installations et stimuler la demande, Sanergy assure des services d’appui auprès de ses opérateurs, notamment pour l’obtention des titres de propriété et du permis de construire (des démarches complexes, dans les bidonvilles). Ils peuvent également bénéficier d’une formation pour acquérir des compétences en comptabilité, en service à la clientèle, etc. En partenariat avec l’ONG Kiva, qui propose à des internautes de prêter de l’argent à des institutions locales de microcrédit, Sanergy offre des prêts à taux zéro sur 12 ou 24 mois pour l’achat de toilettes (500 dollars l’unité). Depuis son lancement, fin 2011, 646 toilettes ont été installées dans huit bidonvilles de Nairobi. Elles reçoivent plus de 30 000 visites par jour et ont permis la collecte et le traitement de 7 500 tonnes de déchets.
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ET DEMAIN ? KIGALI, KAMPALA… ?
Le traitement et la transformation des déchets, sa principale source de revenus, sont les clés du succès de Sanergy. Dans les bidonvilles, des équipes logistiques assurent l’entretien et la collecte des réservoirs des toilettes. Et grâce à l’essor de son réseau, Sanergy a même étendu ce service à la collecte des déchets alimentaires, pour le compte d’autres entreprises. Les déchets sont acheminés dans une usine de traitement, où ils sont convertis en engrais biologique (dénommé Evergrow) et en aliments pour animaux à base d’insectes. Ces produits sont commercialisés auprès de plus de 200 exploitants agricoles. Evergrow ferait croître les récoltes de 30 % à 100 %. Aujourd’hui, David Auerbach, le cofondateur de Sanergy, nourrit l’ambition « d’étendre cette initiative à toutes les grandes villes du monde où elle peut être utile et implantée : Kigali, Kampala et Mombassa… ».
Femme entrepreneur de Nairobi
NOVASTAR, LE PARI DU SOCIAL BUSINESS
Via son Fonds d’investissement et de soutien aux entreprises en Afrique (FISEA), conseillé par Proparco, le groupe AFD a investi 5,5 millions de dollars dans Novastar Ventures East Africa Fund. Doté de 80 millions de dollars, ce fonds a pour vocation d’accompagner des startups apportant des solutions innovantes pour rendre accessibles des biens et des services essentiels en Afrique de l’Est. Novastar a déjà investi dans huit entreprises, dont SolarNow, spécialisée dans les équipements solaires domestiques à bas coût pour les habitants des campagnes ougandaises ; Bridge International Academies, un réseau d’écoles maternelles et primaires pour les enfants défavorisés du Kenya, d’Ouganda et du Nigeria ; et Sanergy.
expert
PAROLES D’EXPERT
Bénédicte Faivre-Tavignot, professeure affiliée à HEC Paris, cofondatrice de la chaire Social business Entreprise et pauvreté
Vous avez dit social business ?
Entre la logique du don et celle de la maximisation du profit émerge depuis quelques années une voie intermédiaire : celle du social business. L’idée repose sur un double constat. D’une part, les pouvoirs publics et la société civile peinent – notamment dans les pays pauvres – à résoudre certaines problématiques comme l’insécurité alimentaire, le manque d’accès à la santé, à l’eau, à l’énergie ou à un logement digne. De l’autre, la logique de maximisation du profit montre ses limites en accentuant, par exemple, la pression sur les ressources, et en contribuant au réchauffement climatique ou à l’accroissement des inégalités. L’entreprise privée peut apporter des réponses à ces défis : avec le social business, elle se met au service de causes sociétales. Le profit devient alors un moyen et non une fin en soi, et l’entreprise n’agit pas seule mais en cocréation avec les institutions publiques et la société civile.
Extrait de « Social business : entreprendre et investir autrement », Secteur Privé & Développement n° 23, février 2016.
3 questions à David Auerbach