Quels sont les grands enjeux de cette COP28 pour Proparco ?
Arnaud Uzabiaga : La COP28 est un temps fort pour le groupe AFD, et donc pour Proparco. Ce sommet de négociations autour du climat nous permet de cibler nos actions en matière de finance climat. Les objectifs de cette COP sont nombreux, comme la présentation du premier bilan mondial quinquennal depuis l’Accord de Paris ou l’opérationnalisation du fonds pertes et préjudices, décidé à la COP27. Proparco est surtout concernée par deux points principaux :
Le premier est représenté par les financements à destination des pays en développement, pour mieux les accompagner dans leur transition et s’adapter aux conséquences des changements climatiques. Dans cette optique, un nouvel objectif financier sera déterminé l’an prochain à la COP29. Il remplacera la promesse faite en 2009 de financer l’action climatique des pays en développement à hauteur de 100 milliards de dollars par an.
Les négociations ont déjà débuté sur la structure de l’objectif et ont fait apparaître de fortes dissensions. Certains pays en développement souhaitent que le nouvel objectif se compose uniquement de subventions ou de financements publics, alors que d’autres souhaitent y inclure des financements privés.
Le deuxième enjeu qui concerne Proparco est celui de l’Objectif mondial d’adaptation fixé à Glasgow en 2021. Il vise à doubler d’ici 2025 les montants de la finance climat dédiés à l’adaptation.
Quelle sera la contribution de Proparco à cette séquence ?
A. U. : L’objectif financier des 100 milliards de dollars par an de finance climat à destination des pays du Sud devrait être enfin atteint cette année pour la première fois, avec trois années de retard. Il constitue une priorité du mandat du groupe AFD qui porte l’essentiel de la contribution de la France et représente à lui seul environ 8 % de toutes les contributions à cet objectif. Avec plus de 900 millions d’euros en 2022, Proparco contribue pour environ 1 % de cet effort collectif.
Cela passe par le financement de projets de mobilité, d’énergies renouvelables à grande échelle, de systèmes de productions d’électricité autonomes (off-grid), de soutien à la transition de l’industrie, etc. La signature la plus récente est celle du projet Dakar Mobilité destiné à financer le premier système de bus à haut niveau de service 100 % électrique du continent Africain. Notre action implique également un effort de mobilisation de la finance privée vers ce type de projets.
Nous contribuons par ailleurs à l’Objectif mondial d’adaptation, intégré dans notre Stratégie 2023-2027, par un objectif de doublement d’ici 2025 de nos montants de finance climat dédiés à l’adaptation. Ce renforcement de notre action en matière d’adaptation est crucial pour tenter d’éviter et de limiter les pertes et préjudices futurs. Il se matérialise dès cette année avec deux projets phares financés au Brésil dans le secteur de l’eau : SABESP et Aguas de Rio qui sont porteurs de cobénéfices importants en termes d’adaptation aux changements climatiques.
Lire aussi : le n° 38 de notre revue Secteur Privé & Développement, « Adaptation au changement climatique : le secteur privé passe à l'échelle »
Où en sommes-nous de la trajectoire de Proparco dans le cadre des objectifs de l’Accord de Paris ?
A. U. : Pour rappel, les trois objectifs principaux de l’Accord de Paris sont l’atténuation (limiter la hausse de la température globale à +1,5 °C et nettement en dessous de 2°C par rapport à l’ère préindustrielle), l’adaptation aux changements climatiques et l’alignement des flux financiers avec les objectifs d’atténuation et d’adaptation.
En 2017, le groupe AFD s’est engagé à rendre son activité « 100 % compatible » avec l’Accord de Paris. Des méthodes ont été développées dès 2018 pour analyser le risque de désalignement de nos projets directs, puis en 2021 de nos projets intermédiés (via des institutions financières et fonds d’investissement). Avant tout, le renforcement de nos politiques d’exclusion – et notamment l’arrêt du financement des secteurs des énergies fossiles, dès 2013 pour les centrales à charbon – participent à diminuer ce risque.
Pour nos financements directs, nous commençons par évaluer les émissions de gaz à effet de serre associées au projet. Nous affinons ensuite l’analyse en prenant en compte un éventuel désalignement avec les objectifs et trajectoires de décarbonation du pays concerné. Nous évaluons ensuite l’existence ou non d’alternatives moins carbonées et considérons enfin un risque de verrouillage dans une trajectoire carbonée sur le long terme qui pourrait être crée par le projet.
Pour les financements intermédiés via des fonds d’investissement, nous accompagnons ces derniers dans la réalisation d’analyses d’alignement. Pour les lignes de crédit aux institutions financières, nous analysons en priorité les opérations non dédiées. L’analyse prend en compte l’exposition du client sur les principaux secteurs émissifs et son évolution récente. Les opérations dédiées au financement de projets climat, genre ou à destination des PME sont pour leur part encadrées strictement par notre liste d’exclusion.
Enfin, nous avons entrepris cette année une démarche de consolidation des émissions de notre portefeuille. C’est un gros travail quantitatif qui vient en complément des analyses projet plus qualitatives réalisées depuis 2018. Cette double action nous permet d’avancer dans l’alignement de nos flux financiers avec les objectifs de l’Accord de Paris.